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De notre correspondant à Brest, Michel PALUD


Coeurs croisés de Philippe Decouflé
- 15 mars 2008


Brest, Le Quartz, samedi 9 mars 2008.

Nous entrons dans la salle de spectacle. Le choc est immédiat. Le rideau est déjà levé, découvrant les différents ateliers peuplés de plusieurs créatures, en strings, minis shorts, guêpières, porte-jarretelles et autres bas résilles. Deux de ces femmes se débattent langoureusement dans des filets suspendus. Deux autres font de la barre fixe.

Le choc est vraiment total. Le spectacle est aussi dans les gradins. Ici une femme exubérante affublée de fausses fesses interpelle bruyamment les arrivants. Là, une vamp volcanique aguiche le chaland. Une sirène, en mini short et seins nus desquels pendent des pompons, discute le bout de gras. Plus les créatures évoquées en préambule qui se débattent sur scène. La soirée promet.

Noir. C’est parti.

Ça, pour partir, ça part très fort. Strip-tease d’entrée. Il y en aura d’autres !

Il s’agit en fait d’un spectacle néo-burlesque, de cirque, de danse, de music-hall, rythmé par une poignée de musiciens inspirés qui soulignent à merveille les numéros des acteurs. Acteurs dont le fond de commerce concerne très clairement l’effeuillage des corps.

Deux acteurs, neuf actrices, quatre musiciens.

Les numéros s’enchaînent. On ne s’ennuie pas un instant. Beaucoup de strip-teases, il est vrai, dont certains se terminent en nu intégral. Mais il ne faudrait surtout pas limiter le jugement à cela. C’est une aventure visuelle qui nous est offerte, poétique, attachante. Certains artistes sont professionnels, d’autres amateurs.

L’alchimie est parfaite. Et toujours cette musique inventive. Ces bruitages. Un délice.

Le temps passe à une vitesse folle. Les danses succèdent aux effeuillages. Le ton est excessivement drôle. Les mimiques des personnages y sont pour beaucoup.

Une femme panthère se contorsionne tendrement avec des serpents. Un petit Chinois dompte deux yoyos un rien nerveux. Une pin-up en rollers passe ramasser les vêtements éparpillés. Une vamp qui vampirise.

Et puis Betty Boop. En taille réelle. C’est à dire un mètre trente. Un peu boulotte.

En nuisette. Elle chante (mal) et regarde la troupe engager un gigantesque déshabillage puis un esthétique enchevêtrement des corps. Et de conclure : "Je ne me déshabille pas parce que je suis très bien comme ça".

Une des forces du spectacle réside dans la richesse du tableau. Pendant un numéro principal, la troupe occupe le reste de la scène pour un rendu particulièrement vivant. Ambiance music-hall. Ou maison close.

Parfois, les musiciens montent sur scène. Mémorable chanson. En russe, peut-être ?

Magnifique, simplement.

Parfois, les artistes descendent dans la salle. Un brave homme sera "violenté" par la femme aux fausse fesses. La femme panthère cheminera près de nous.

Il y en a aussi pour les dames. Un grand et élégant danseur donne de sa personne.

Lui aussi finira dans le plus simple appareil, après avoir retiré au bas mot sept ou huit slips successifs. Fins-fins-fins et chamarrés, les slips.

Une heure et demi à couper le souffle. Pas une minute d’ennui. Pas une once de vulgarité. Esthétisme, beauté.

Hop, c’est déjà fini. C’est passé comme un souffle. Trois rappels, fin de la magie.


Philippe Decouflé est né à Paris en 1961. Danseur et chorégraphe contemporain, il est choisi en 1989 pour organiser plusieurs spectacles, dont « La Danse des sabots », lors du défilé du bicentenaire de la Révolution française à Paris. Fort de ce succès, Philippe Decouflé assure en 1992 la mise en scène des cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux Olympiques d'Albertville avec le costumier Philippe Guillotel.

Formé à de nombreuses disciplines, comme le mime avec Isaac Alvarez ou le cirque avec Annie Fratellini, il crée sa propre compagnie en 1983, à Bagnolet, la compagnie DCA (Diversité, Camaraderie, Agilité). Il gagne la même année le Prix du ministère de la Culture. Il réalise des clips, notamment pour le groupe New Order, ainsi que de nombreuses publicités dont une pour Polaroïd, récompensée d’un Lion d'argent au Festival de Venise en 1989. L'aspect visuel, décalé et ludique, voire burlesque, de sa danse, est l’élément marquant de son style. Ses chorégraphies sont toujours empreintes d’humanité et de poésie.

En 1993, la compagnie DCA s'installe à la "Chaufferie" à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) dans une ancienne usine réhabilitée à cet effet, depuis lors son lieu de résidence, et parfois de représentation.

En 2007, Philippe Decouflé se voit confier l'organisation des festivités de l'ouverture de la Coupe du monde de rugby, avec notamment une parade à Paris appelée "La Mêlée des mondes".



Michel PALUD
 



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