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Offre n° 2
De notre correspondant, Michel
PALUD
Rachat de S & N par Carlsberg et
Heineken ? - 17 novembre 2007
Laffaire est complexe. Mais rien nest
jamais vraiment simple en bourse. Le dossier est
parfois même plus proche du poker que des
intérêts financiers. Mais tout cela est-il si
différent, en définitive ?
Mi-octobre, des bruits couraient sur une offre de
rachat du premier brasseur britannique «
Scottish & Newcastle » (S & N), qui
détient notamment le dernier fleuron de la
bière française, les Brasseries Kronenbourg
(numéro un en France avec une part de marché de
35 %). De fait, rapidement, le loup dû sortir du
bois et le Danois Carlsberg et le Hollandais
Heineken confirmèrent qu'ils discutaient de la
formation d'un consortium en vue d'une offre sur
S & N. Ce communiqué commun soulignait lintérêt
porté sur S & N, mais les deux brasseurs
précisaient malgré tout qu'aucune approche
formelle nétait engagée et qu'il n'était
pas acquis que les discussions débouchent sur
une offre. Le titre S&N en profitait
perfidement pour senvoler à la Bourse de
Londres.
Dabord enfermé dans un silence pesant, S
& N se déclarait hostile à une éventuelle
offre de ses concurrents, saffirmant
confiant dans le maintien de son indépendance,
tout en jugeant malvenu le projet de
démantèlement fomenté par Carlsberg et
Heineken. Car ces derniers, après avoir
confirmé qu'ils discutaient bien de la formation
d'un consortium en vue d'une offre de rachat,
dévoilaient leur jeu : Carlsberg souhaitait
acquérir les intérêts de S & N en France
et en Grèce, et dans le brasseur d'Europe de
l'est « Baltic Beverages Holdings », alors quHeineken,
de son côté, se montrait intéressé par des
actifs en Grande-Bretagne et dans d'autres
marchés européens (Portugal, Belgique,
Finlande).
S & N repoussait « sans hésiter » une
première offre dachat de 9,7 milliards
d'euros (6,8 milliards de livres), non sans
formuler son mécontentement. Loffre par
action, chiffrée à 720 pence, était notamment
jugée dérisoire, alors que les milieux
autorisés estimaient à au moins 800 pence le
seuil minimal pour gagner laccord du
conseil de surveillance de S & N.
Le 15 novembre, Carlsberg et Heineken portaient
leur proposition à 750 pence par action, soit
10,2 milliards d'euros (7,3 milliards de livres).
Loffre, ainsi
bonifiée de 500 millions de livres, était
qualifiée par le consortium « déquitable
et définitive ». Malicieux, le titre S & N
en profitait pour une petite envolée à 763,5
pence à la Bourse de Londres (+ 3,11%), soit
largement au-dessus du prix dachat !
La réaction du Britannique a été rapide et
sévère. Par lintermédiaire de son
conseil d'administration, S&N a répondu
quelques heures plus tard quil « rejetait
sans hésiter cette proposition hautement
inadéquate, qui sous-évalue substantiellement
les atouts uniques et les parts de marché du
groupe ». Et toc.
Carlsberg et Heineken se sont affirmés « très
déçus » et ont jugé sévèrement
«l'intransigeance du conseil d'administration de
S&N qui met en danger ses actionnaires ».
Ils en ont également profité pour appeler ces
derniers à faire pression sur leur direction
pour qu'elle accepte dentrer dans la
discussion.
S&N poursuit ainsi sa lutte avec Carlsberg au
sujet de « Baltic Beverages Holding » (BBH),
entreprise dans laquelle ils sont engagés à
50/50 en Russie, et dont le Danois voudrait
prendre le contrôle complet en s'emparant du
Britannique. S&N de son côté a déjà
entamé une action en justice pour forcer
Carlsberg à céder ses parts de BBH. Car la
participation à 50% de S&N dans BBH
constitue l'un de ses joyaux : la société
produit notamment la « Baltika », bière la
plus vendue en Russie (10 % dun marché
russe en forte croissance). Les enjeux sont donc
gigantesques.
En tout état de cause, le nouveau refus de
S&N pourrait conduire le consortium
Néerlando-Danois à se résoudre à lancer une
offre hostile sur le Britannique, alors que les
deux alliés ont encore répété en milieu de
semaine dernière qu'ils considéraient « pour
l'instant » l'accord de S&N comme une
condition sine qua non pour le lancement d'une
offre formelle. Soufflant le chaud puis le froid,
Carlsberg et Heineken précisaient aussi qu'ils
n'excluaient pas de renoncer à ce pré-requis,
laissant ainsi entendre qu'à défaut de parvenir
à négocier un rachat à l'amiable, ils se
réservaient la possibilité de lancer une offre
non-amicale.
La partie de poker se poursuit. S & N
bluffe-t-il ? Carlsberg et Heineken pourront-ils
relancer de 500 (millions de livres) ou vont-ils
se coucher ? La fin de la manche sannonce
passionnante.
Michel PALUD
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Offre n° 3
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