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Correspondance suisse de Cedric Morgenstern
.



LE « PETIT JUGE » PIERRE- HENRI WINZAP FRISE LE RIDICULE


– 16 mars 2007




« Le juge a communiqué sa haine contre la Turquie, c’est une haine raciste impérialiste ! »

C’est en ces termes que le politicien turc Dogu Perinçek a accueilli le verdict du Tribunal de Lausanne, qui l’a condamné à 90 jours-amende à Frs. 100.- avec sursis pendant deux ans assortis d’une amende de 3.000 francs. Dogu Perinçek devrait verser en outre une indemnité symbolique de 1.000 francs à l’ASA, l’Association Suisse-Arménie, 10.000 francs de dépens et 5.000 francs pour les frais de la cause.

Ce jugement n’est certes pas fait pour arranger des relations diplomatiques déjà tendues entre les deux pays, l’avocat de Dogu Perinçek, Me Laurent Moreillon, ayant de surcroît affirmé, le 6 mars dernier, « que l’affaire monterait jusqu’à la Cour Européenne à Strasbourg ».

Observateur au procès de Lausanne, le consul de Turquie à Genève, M. Cermien Karaman a déclaré après la lecture du verdict : « Je ne peux pas dire que ce jugement me réjouisse ». Quant à l’ambassadeur de Turquie en Suisse, il a critiqué la décision du Tribunal de Montbenon du 9 mars 2007 à Lausanne, déploré les conséquences futures de ce jugement et le fait qu’on ne peut plus discuter de manière ouverte en Suisse.

Sans doute faisait-il allusion à la Constitution Fédérale qui garantit ? du moins sur le papier - la liberté d’expression et la liberté de la presse en Suisse, tandis que l’art. 301 du Code pénal turc ? dont Bruxelles réclame la suppression - limite cette liberté d’expression en Turquie.

Quant à l’art. 261 bis du Code pénal qui régit la norme pénale antiraciste en Suisse, il permet, à usage interne, d’empêcher la propagande d’idéologies contraires à un Etat de droit.

Mais où se situent, dans la pratique, les limites de cet Etat de droit ? A quel moment, la liberté d’expression enfreint-elle la norme pénale antiraciste ou devient-elle calomnie et/ou diffamation ? La barrière reste floue. Laissée à l’appréciation d’une Justice qui est loin d’être parfaite et infaillible, elle est sujette à controverses et suscite bien des polémiques.

C’est sans doute là que le bât blesse.

Président dudit Tribunal, surnommé aujourd’hui le « petit juge », Pierre-Henri Winzap, justifie son verdict en ces termes : « Si le Conseil Fédéral n’a pas reconnu le génocide arménien, c’est pour un problème de relations internationales».

On s’en doutait. La Turquie est un allié économique et un partenaire militaire non-négligeable de par sa situation géographique mais depuis les fracassantes déclarations à Ankara, du Ministre de la Justice Christoph Blocher, chef de file de l’UDC, les relations entre les deux pays sont tendues. Impossible donc, pour le Conseil Fédéral, de rajouter de l’huile sur le feu.

« Un génocide n’a pas à être sanctionné par une Cour de justice internationale pour avoir valeur de génocide. Il faut et il suffit qu’il soit reconnu comme tel. Le génocide arménien est un fait historique avéré selon l’opinion publique suisse ». ajoute « le petit juge ».

On en reste baba !

Impossible pour le « petit juge » de se reposer sur une reconnaissance officielle du génocide arménien par le Conseil Fédéral, ce qui l’aurait libéré de toute responsabilité personnelle. Il se voit donc obligé de reconnaître que « le génocide arménien est un fait historique avéré » mais se protège aussitôt - il tient sans doute à sa peau ! ? en usant de la « couverture » de « l’opinion publique suisse » ! L’argument est ridicule !

« Avec ce jugement, la Suisse s’est jetée dans le feu ! » a déclaré Erkan Önsel, vice-Président du Parti des Travailleurs turcs (Isçi partisi), « Les juges n’ont même pas examiné les 90 kilos d’archives que nous avions apportés. En nous traitant de génocidaires, l’amitié turco-suisse a été détruite ».

De son côté, Me Philippe Nordmann, avocat de l’ASA confirme « qu’il portera de nouveau plainte pénale si le politicien turc persiste à nier le génocide arménien ». Quant à Dogu Perinçek, il préfère parler « de massacres commis de part et d’autre ».

On sait que le mot « génocide » a été créé en 1944 suite à l’entreprise d’extermination des Juifs et des Tsiganes par les nazis, qui a fait 6 millions de morts lors de la dernière Guerre mondiale. Mais le crime de génocide, imprescriptible, défini en droit international par la Convention de Genève de 1948 s’applique également à des massacres plus récents, ceux perpétrés par les Khmers rouges au Cambodge dans les années 1970, ceux commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda dans les années 1990. Rétrospectivement, le mot « génocide » a ensuite été employé pour désigner les massacres commis en Turquie contre les Arméniens en 1915, massacres qui ont fait un million et demi de victimes. Au rang des génocides, on pourrait également citer celui des Arawaks, exterminés par les colons espagnols, dont on trouve encore quelques descendants à Cuba et en Jamaïque.

Quant au mot « massacre », il désigne une tuerie sauvage et en masse, d’êtres et de gens sans défense, ou en situation d’infériorité, une extermination à laquelle on pourrait tout aussi bien assimiler l’esclavage des Noirs, dont l’abolition, en 1833 n’a pas, pour autant, mis fin au racisme.

Le « petit juge » Pierre-Henri Winzap s’est servi de « l’opinion publique suisse » pour éviter manifestement d’avoir à entrer dans l’Histoire. L’eût-il fait qu’il n’aurait pas réussi, un siècle après, à trancher la question qui divise Arméniens et Turcs. Massacres ou génocides, personne ne fera revenir à la vie, victimes et tortionnaires par des procès, Car la Justice n’est ni infaillible, ni toute-puissante. Il faut le reconnaître, humblement, choisir peut-être une autre voie et en tirer leçon. Mais de toute évidence, le « petit juge » Pierre-Henri Winzap n’a pas encore appris la sienne.

Cedric Morgenstern

Correspondant
www.fil-info-france.com



 


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