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- De notre
correspondant Marc
CHARTIER
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Habitat d'un autre
monde -
7 décembre 2005
Rien n'est banal en Afrique. A commencer,
à l'encontre sans doute d'une image trop
rapide et réductrice, par les styles
d'habitat rural.
C'est ce qu'illustrent et démontrent de
manière très convaincante l'architecte
Jean-Paul Bourdier et le poète écrivain
cinéaste Trinh T. Minh-ha dans leur
récent ouvrage «Habiter un monde -
Architectures de l'Afrique de l'Ouest»
(éditions Alternatives, 2005, 192
pages).
Nous voici donc en Afrique
sub-saharienne, loin des grandes
agglomérations, à cent lieues de la
standardisation des immeubles sans âme
ou des constructions trop souvent
bâclées par souci de parer au plus
pressé. Les auteurs nous introduisent
plus spécifiquement, respectant le
rythme d'une philosophie de vie qui sait
encore donner du temps au temps, dans le
quotidien de différentes ethnies de
Mauritanie, du Sénégal, du Mali, du
Burkina Faso, du Togo, du Benin.
Les «pratiques architecturales» - titre
de la seconde partie de l'ouvrage - sont
répertoriées en deux grandes
catégories selon le mode de construction
des toitures: en terrasse ou en chaume.
Il y est, certes, question des matériaux
utilisés (essentiellement terre, bois,
chaume) et des techniques de leur mise en
oeuvre. Mais les auteurs s'attardent plus
longuement, complétant leurs
développements par d'abondantes
illustrations (photos, dessins, plans),
sur des explications d'ordre
topographique, la disposition des lieux
d'habitation tenant compte en premier
lieu du climat, de la composition de la
famille et des traditions artisanales
locales, mais aussi des croyances et
pratiques culturelles qui donnent à
l'habitat rural africain toute son
étonnante singularité.
Telle est bien en effet - comment dire ?
- l'originalité de cet ouvrage prenant
place dans une collection au titre
évocateur: «Anarchitecture».
Comprenons: un répertoire
d'architectures alternatives,
prospectives, marginales et visionnaires.
Que l'Afrique se retrouve en bonne et due
place dans cette vision de l'art de
bâtir est un constat pour le moins riche
d'enseignements.
Justifiant, si besoin était, qu'ils ont
frappé à la bonne porte, les auteurs
intitulent la première partie de leur
ouvrage «Le bâti culturel», un
substantif et un qualificatif qui se
retrouvent unis ici pour le meilleur de
la grande tradition africaine. Soyons
clairs: un empilement de briques ne fait
pas nécessairement une maison!
Construire, en Afrique sub-saharienne
notamment, n'est pas un acte gratuit ni
purement utilitaire. Inspiré des
«principes qui gouvernent le monde»,
construire est un «acte religieux qui
revient à participer au mythe primordial
de la création».
Dans un tel contexte, l'habitat s'impose
comme un «lieu spirituel». Il répond
évidemment à des nécessités d'ordre
pratique et fonctionnel, mais il est
aussi la concrétisation et le reflet
d'une organisation sociale, de symboles
ancrés dans une tradition, de croyances
et mythes ancestraux, de relations avec
la nature et le sacré.
La maquette retenue par les concepteurs
de cet ouvrage nous semble parfaitement
adaptée à un tel voyage au coeur de la
culture africaine. La tonalité dominante
et le rythme adopté (on sent
l'expérience de spécialistes en
techniques cinématographiques...) sont
respectueux d'un certain mystère : celui
dont les auteurs se sont lentement
imprégnés. Sans voyeurisme, faut-il
ajouter, ce qui n'était pas d'emblée
évident quand on est amené à
pénétrer dans l'intimité d'un habitat.
Leur reportage pourrait, de ce point de
vue, donner des idées à tous ceux qui
souhaitent «habiter autrement». Et
pourquoi pas ?
Marc
CHARTIER
http://surlaroutedesbatisseurs.hautetfort.com/
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