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Lettres
de Le Corbusier à son
maître Charles
l'Esplattenier - 30
juillet 2006
Professeur à l'Ecole
d'arts appliqués de La
Chaux-de-Fonds (Suisse),
le peintre Charles
l'Esplattenier
(1874-1946) était un
pédagogue hors pair.
Dans ses cours de dessin
et de composition, il
appliquait les principes
des rénovateurs qui «
se rejoignaient dans
l'idée d'un art pour le
peuple à réinventer par
le peuple lui-même,
d'une vocation sociale
des arts décoratifs
supposés incarner cet
art populaire, d'un
ornement symboliste à
revitaliser par le
recours à des thèmes
naturalistes locaux ».
Il exerça sur son
élève Charles-Edouard
Jeanneret (qui prendra le
pseudonyme de Le
Corbusier dans les
années 1920-1925) une
influence déterminante :
« Toi, tu seras
architecte ! » lui
aurait-il dit, alors que
le jeune apprenti artisan
d'art semblait peu enclin
à donner à sa vie
professionnelle une telle
orientation. Et l'on sait
ce qu'il advint par la
suite...
Toute l'histoire de cette
relation pédagogique peu
ordinaire est présente
en filigrane dans
l'abondante
correspondance que Le
Corbusier a entretenue
avec son maître au cours
de ses voyages d'études,
de 1906 à 1911, et qui
vient de faire l'objet
d'une édition établie
par Marie-Jeanne Dumont
sous le titre Le
Corbusier : Lettres à
Charles L'Esplattenier
(éditions du Linteau,
2006, 316 pages).
Au cours de ses
pérégrinations
européennes (Italie,
Vienne, Paris, Allemagne,
Europe de l'Est,
Istanbul...) qui
représentèrent pour lui
un « baptême de la
beauté », comme un
parcours initiatique au
coeur des plus
représentatives
expressions de l'art et
de l'architecture, le
futur architecte mûrit
ses appréciations
personnelles à l'aune
des enseignements du
maître. Le regard
s'affinait pour devenir
de plus en plus sûr, de
plus en plus critique,
quoique non exempt
parfois de réelles
hésitations : « Je sens
l'énorme fossé qui me
sépare de ce que je
pressens être le vrai ;
par moments, en
m'emballant sur mon
travail, j'arrive à en
avoir quelque
satisfaction, puis
viennent quelques jours
de repos et je
m'aperçois avec une
netteté cruelle de toute
l'étendue de mon
impuissance. C'est dans
ces moments qu'il faut
tenir bon ! » - «
L'architecture est une
bougrement difficile
affaire. Je me sentirais
plus d'aptitudes pour le
rond-de-cuirat ! »
L'étape parisienne, avec
notamment un stage des
plus fructueux chez les
frères Perret, fut
assurément une période
clé pour Le Corbusier.
Il fut « enchanté »
par la « capitale de la
pensée » dans laquelle
il ressentait plus
qu'ailleurs la «
vibration » de l'art. De
surcroît, c'est lors de
son séjour à Paris que
l'élève commença à se
démarquer quelque peu de
son maître. Le « Cher
Maître » de «
l'élève très
affectionné » se
changea en « Cher
Monsieur », désormais
considéré comme un
associé, presque d'égal
à égal. Il ne
s'agissait certes pas de
rupture, mais bien
plutôt de volonté de
liberté, d'indépendance
et de responsabilité
dans les choix
artistiques : « Si l'on
veut être personnel, ce
n'est pas de se presser
un jour sur le front, de
choisir un auteur et de
vivre avec lui jusqu'à
la fin de ses jours.
[...] Il faut être
"isolé" pour
entendre chanter le
rossignol. »
Tout au long de ce
périple d'apprentissage,
la pensée de
l'architecte s'est
cherchée, affinée et
affirmée en ébauchant
les grandes lignes d'un
nouvel art de bâtir.
Pour ce faire, elle a eu
besoin de puiser, avec
une remarquable et
émouvante fidélité,
dans les enseignements
reçus à La
Chaux-de-Fonds, puis,
progressivement, de
s'émanciper, quitte à
devenir critique à
l'égard d'un maître
taxé de « n'être point
assez moderniste et de
demeurer insensible aux
oeuvres de notre époque
». En dépit de ces
affrontements, somme
toute très logiques dans
le cade d'une relation
pédagogique, Le
Corbusier a toujours
manifesté à
L'Esplattenier son
indéfectible gratitude :
n'est-ce pas lui qui lui
avait ouvert les portes
de l'art ?
Faisant suite à
l'édition des lettres à
Auguste Perret (2002),
cette correspondance
révèle un aspect à ce
jour inconnu de la
personnalité de son
auteur, dans le creuset
d'un Art nouveau dont il
deviendra l'une des
pierres angulaires.
Bravo et merci à Bernard
Marrey, fondateur des
éditions du Linteau,
pour cette nouvelle
initiative qui contribue
à valoriser la
merveilleuse histoire des
bâtisseurs.
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