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De notre correspondant
Marc CHARTIER


Le Corbusier, tel qu'en lui-même - 9 septembre 2006



Ingénieur vosgien né en 1913, Jean-Jacques Duval s'est très tôt passionné pour les idées et les principes architecturaux de Le Corbusier. C'est lui qui fut notamment à l'origine de deux projets de reconstruction pour lesquels fut sollicitée une intervention du Maître, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : la conception d'un plan d'urbanisme pour la ville de Saint-Dié, totalement sinistrée suite aux bombardements, et, dans la même ville, la reconstruction d'une usine familiale de bonneterie dont Jean-Jacques Duval fut le gérant de 1940 à 1944, puis de 1953 à 1981.

De ces contacts est née une « solide et indéfectible amitié » qui dura trente années et transparaît dans le livre de Jean-Jacques Duval : "Le Corbusier, l'écorce et la fleur", éditions du Linteau, 2006, 216 pages.

Les "conversations à bâtons rompus" qui sont tout d'abord relatées, puis quelques lettres éparses figurant en fin d'ouvrage illustrent admirablement la personnalité de Le Corbusier, « constant et subtil mélange de sensibilité et de réalisme », ainsi que l' « humble et inlassable recherche personnelle » qui l'anima toute sa vie durant. De ces confidences et correspondances émergent les convictions de Le Corbusier sur l'architecture bien sûr, mais également sur « l'impitoyable bataille » de la vie, sur l'amitié, la mort, l'argent, les voyages comme école de modestie...

Le projet d'urbanisme pour la ville de Saint-Dié, auquel l'architecte consacra beaucoup d'énergie et le plus clair de son immense talent, était novateur à plus d'un titre. Il ne se contentait pas d'être audacieux dans le domaine de l'aménagement de l'espace ; il était inventif et éminemment moderne dans la prise en compte des conditions humaines et sociales de la population à laquelle il était destiné.

Malheureusement, lors de la décision finale, il fut refusé à la fois par le ministère de la Reconstruction et par la municipalité et la population déodatiennes, au profit de la « médiocrité d'un banal réaménagement » de l'ancien plan de la ville. Pendant que se déroulait cette "bataille" vouée à l'échec, les compétences de Le Corbusier étaient reconnues, saluées et brillamment appliquées dans de nombreux pays étrangers !

Autre projet qui, cette fois-ci, eut une fin plus heureuse : la reconstruction de l'usine Claude et Duval. Plus que d'un banal chantier, il s'agissait, pour l'architecte, de réaliser une « oeuvre d'art », « un petit chef-d'oeuvre d'esprit florentin ». Pour ce faire, afin de rendre le lieu plus fonctionnel et offrant les meilleures conditions de travail aux ouvriers, tout en respectant le budget alloué par les Dommages de guerre, il fit appel à certains principes architecturaux majeurs : le "Modulor" (application des proportions harmoniques du corps humain), l'utilisation des brise-soleil, la recherche de la polychromie, l'importance du détail. Poésie et rigueur résument l'imagination créatrice de Le Corbusier.

Enfin, la reconstruction de la chapelle de Ronchamp est le fruit de l'inlassable quête de vérité esthétique qui guida Le Corbusier tout au long de ses fréquents voyages d'études. « Il y a là, observe Jean-Jacques Duval, un aspect de l'oeuvre de Le Corbusier qui nous apparaît, parfois, comme le lent épanouissement d'observations minutieuses, patiemment accumulées durant des voyages de jeunesse, voyages d'un pèlerin, tout occupé à observer, à dessiner et à prendre des notes. »

Ce recueil de souvenirs et de correspondances résonne effectivement d'une solide amitié qui dut affronter, en maintes occasions, les préoccupations, parfois même les ingratitudes de la vie, tout en se ressourçant au bonheur sans cesse renaissant des retrouvailles. Pour Jean-Jacques Duval et les siens, le célèbre architecte était aussi « Corbu ». Tout simplement.

Merci à l'éditeur Bernard Marrey de nous avoir mis sur la piste de cet émouvant et fort instructif récit.




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