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- De notre
correspondant Marc
CHARTIER
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- Lexcellence
des métiers -
15 juin 2005
Les Olympiades des métiers ? Wordskills
competition ? ont écrit une nouvelle
page de leur histoire. Pour leur
trente-huitième édition fin-mai 2005,
elles étaient accueillies par la
capitale finlandaise qui avait mis tous
ses atouts de son côté, et tous ses
charmes du nôtre, pour honorer de bien
belle manière ses hôtes dune
semaine, voire plus.
Trente-sept pays représentés
(délégations officielles, partenaires,
concurrents, formateurs, accompagnateurs,
journalistes, visiteurs), quarante
métiers en compétition, cinq en
démonstration, cinq en représentation?
cela faisait beaucoup de beau monde et
lon imagine aisément la logistique
indispensable pour donner corps à cette
kermesse du savoir-faire international.
Après une cérémonie douverture
au cours de laquelle lémotion
côtoya le grandiose sur fond de
spectacle chorégraphique et musical,
lheure de vérité était enfin
venue pour les quelque huit cents jeunes
représentant leurs professions et pays
respectifs. Parmi eux, au sein de la
délégation française, les couleurs du
Bâtiment étaient vaillamment
défendues.
"Demandez limpossible !",
conseillait Daniel Costantini, promu
parrain officiel pour la circonstance.
Cétait le moment ou jamais de
mettre en pratique cette devise qui, on
sen souvient encore, a mené les
"Barjots" au faîte des
honneurs sportifs en catégorie handball.
Sur pareille lancée, loptimisme
était au rendez-vous. Quand on a été
briefé, coaché et bichonné comme on
la été, plusieurs semaines
durant, par le COFOM (Comité français
des Olympiades des métiers), comment ne
pas partir lesprit serein ? Ou,
pour reprendre un autre qualificatif que
les pros du Bâtiment connaissent bien,
lesprit "gagnant"? Bref,
sur les plans aussi bien technique que
physique et mental, on était fin prêt.
Rappelons que les Olympiades des
métiers, c'est pour chaque concurrent un
chantier miniature à réaliser en solo,
l'épreuve se déroulant sur une
vingtaine d'heures réparties sur quatre
jours. On arrive avec sa caisse à outils
et son bagage de connaissances. Puis, le
jour J, on vous remet le sujet, les
matériaux nécessaires et quelques
consignes. Et c'est alors à chacun de
jouer au mieux sa partition sous le
regard des experts et des visiteurs.
Vu de l'extérieur, le
"spectacle" a réellement de
quoi séduire quiconque apprécie le
travail manuel et la beauté du geste
créateur dans sa plus belle expression
artisanale. Les concurrents - tous des
moins de vingt-trois ans - sont en effet
censés représenter ce qui se fait de
mieux dans leurs pays respectifs dans le
secteur des métiers manuels.
La philosophie des Olympiades, avec son
célèbre slogan "Limportant,
cest de participer", tout le
monde connaît. Mais quand on se retrouve
devant son "caillou" à tailler
ou son mur à dresser, cest sans
doute autre chose. Concentration et
organisation sont alors sollicitées au
maximum de leur rendement. Il est hors de
question de se laisser impressionner
outre mesure par le concurrent dà
côté qui arbore un autre fanion et
semble prendre plusieurs longueurs
davance. De toute façon, la
comparaison entre les différentes
techniques et les élans de solidarité
entre collègues sans frontières, ça
sera pour plus tard, lors des grandes
embrassades finales. Pour lheure,
le chacun pour soi est de mise, reflet
dune ambition que lon nourrit
pour soi-même, sa famille, son
entreprise, sa profession et son pays.
L'oeuvre achevée, c'est tout d'abord, au
choix : le sentiment d'avoir somme toute
pas mal réussi en allant piocher dans le
meilleur de ses capacités, ou bien la
déception d'avoir échoué sur tel ou
tel point, ou encore l'amertume de ne pas
avoir pu terminer son travail pour
seulement une poignée de minutes.
Dans tous les cas, que l'on soit
satisfait ou déçu, la pression retombe
très rapidement pour faire place à une
franche accolade avec son tuteur et à
autant de poignées de mains qu'il y a de
concurrents. Parfois, sur l'épaule d'un
père ou d'une mère ou dans les bras de
Daniel Levavasseur, lomniprésent
et discret entraîneur, on craque
carrément et on y va de quelques pleurs.
On a beau gérer son stress, il faut bien
qu'il s'évacue à un moment ou à un
autre.
Fin de la séquence émotion !
Maintenant, il faut ranger son matériel,
balayer, nettoyer... comme sur un
véritable chantier. Puis tout le monde,
concurrents et visiteurs, quitte les
lieux pour laisser les experts
internationaux faire à leur tour leur
travail en toute quiétude et
objectivité. De leur conclave sortira le
classement tant attendu, redouté
peut-être, qui mettra le point final à
cette belle aventure
Après deux jours de tourisme et de
décompression durant lesquels on ne peut
quand même s'empêcher de dresser un
premier bilan, de refaire dans sa tête,
sous tous ses aspects, le travail
accompli et d'entretenir des rêves de
podium, c'est enfin la cérémonie de
clôture qui se doit de privilégier
l'esprit sportif. Puis vient le moment
tant attendu de la cascade des résultats
avec son lot de déceptions, de
satisfactions mitigées ou de bonheur
plus franchement exprimé.
Le bilan global de notre équipe de
France des métiers est honnête : deux
médailles d'or (coiffure et
jardinerie-paysage), une médaille
d'argent (menuiserie), deux médailles de
bronze (contrôle industriel et cuisine)
et onze diplômes d'honneur (carrelage,
maçonnerie, peinture et décoration,
ébénisterie, charpente...).
Au classement général : une neuvième
place ex-aequo, derrière les
intouchables Chine, Corée, Allemagne
et... tiens, tiens ! Finlande !
Pour le secteur du bâtiment, ne nous
voilons pas la face! La moisson est bien
en deçà des espoirs raisonnablement
nourris par les candidats et les
responsables des organismes
professionnels concernés.
Sans faire de mauvais esprit ni chercher
noise à qui que ce soit, il faut
pourtant constater que le classement
final des Olympiades peut prêter le
flanc à certaines critiques, à quelques
interrogations. Comment se fait-il par
exemple que le pays organisateur excelle
souvent et soudainement dans la moisson
des médailles ?
Plus étonnant encore, à en croire des
confidences que l'on a pu nous faire, un
manque de rigueur objective dans les
délibérations du jury vient parfois
fausser le classement. Certains membres
du jury ne seraient pas de vrais
professionnels de la catégorie pour
laquelle ils ont été nommés experts.
Sur quels critères se basent-ils alors
pour donner leur appréciation et leur
vote final ? Le système de votation
adopté par les responsables
internationaux des Olympiades laisse des
zones d'ombre dues à la subjectivité
trop accentuée de certains critères
d'évaluation ainsi qu'à la coalition
effective de certains votes. Il faudrait
pourtant bien que pleine lumière soit
faite sur ce point d'organisation qui n'a
rien d'un détail !
Finalement, et sans doute faudrait-il
commencer par là, il y va des Olympiades
des métiers comme d'autres épreuves
sportives au plus haut niveau : tous les
concurrents ne vivent apparemment pas la
même compétition. Il est en effet
notoire que certains pays
"gavent" leurs candidats en vue
de la seule compétition et du classement
final où l'on entend bien rafler la
mise. Pendant ce temps, nos braves jeunes
Français se préparent, certes, à
léchéance internationale, mais
tout en continuant leur travail ou leur
formation en CFA.
Les métiers méritent-ils une telle
surenchère dans l'image qu'on tendrait
à en donner ? Doivent-ils servir de
support, de prétexte pour des enjeux à
l'évidence autres que la promotion du
savoir-faire comme une voie de la
réussite humaine, personnelle,
familiale, sociale et professionnelle
pour les jeunes ?
Noublions pas enfin, les lampions
de la fête étant éteints, que
lenthousiasme des Olympiades ne
doit pas être remisé aux vestiaires.
Cette manifestation côtoie les honneurs
de lapothéose et leuphorie
des grands moments dans sa phase
internationale : cest la partie la
plus visible de liceberg. Mais elle
ne serait quinutile recherche de
gloriole si, en préambule, elle
nétait pas préparée, alimentée
par une longue approche dans les
départements et les régions. Cest
dans cette partie cachée de
liceberg que se situe le plus
important investissement en énergies et
en espoirs, pour la promotion de
lemploi des jeunes, en tout premier
lieu dans les professions dites
"manuelles" qui ont tant besoin
de sang neuf pour survivre et se
renouveler. Le Bâtiment en sait quelque
chose !
Le mérite premier des Olympiades est de
créer une dynamique. C'est ce que
martèle inlassablement Marie-Thérèse
Geffroy, présidente du COFOM et
vice-présidente de Worldskills
competition, en rappelant à qui veut
bien l'entendre les mérites et avantages
de lapprentissage. Pour appuyer son
propos, elle part de la composition de
l'équipe de France des métiers à
Helsinki : sur trente-huit concurrents,
quatorze étaient apprentis et huit issus
de l'apprentissage. Ce faisant, avec son
franc-parler qui n'a assurément rien de
la langue de bois, elle déplore la
mentalité ambiante dans notre pays où
l'on réserve le peu d'estime que l'on
sait au travail manuel. "Et
pourtant, ponctue-t-elle avec conviction,
la formation par l'apprentissage peut
regarder d'égale à égale les autres
voies de la formation, à commencer par
la voie académique. Les Olympiades des
métiers le démontrent à leur manière
: l'apprentissage est aussi la voie de la
réussite... Je rêve du jour où un
ministre français de l'Education
nationale manifestera son intérêt pour
notre travail, ne serait-ce qu'en venant
nous rendre visite lors d'une finale
internationale des Olympiades. Dans la
mesure où elles mettent en avant
l'excellence des métiers, elles sont un
outil parmi d'autres de promotion de
l'apprentissage. Mais il nous faut bien
malheureusement constater qu'il reste
encore beaucoup de chemin à parcourir
pour un vrai changement de
représentation et de mentalité !"
Marc
CHARTIER
http://mchartier.site.voila.fr/
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