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- De notre
correspondant Marc
CHARTIER
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Et pourquoi pas une
maison en paille ? -
5 novembre 2005
La construction en paille nest pas
réservée à lhistoire édifiante
des « Trois petits cochons » et du
méchant loup. En notre période
soucieuse de protection de
lenvironnement et
dinnovations dans le secteur des
énergies renouvelables, cette technique
est considérée par certains bâtisseurs
comme une solution alternative à
dautres savoir-faire plus
traditionnels.
La construction en paille a commencé
dans les Sand Hills du Nebraska, au
centre des Etats-Unis, il y a un siècle
de cela, lors de lapparition de la
mécanisation des techniques agricoles.
Dans cette région où le bois est rare
et la terre, très sableuse, voir les
ballots sortir de la botteleuse a donné
des idées à certains bâtisseurs : ils
avaient compris quils avaient à
leur disposition un matériau léger, peu
coûteux et immédiatement disponible.
Des maisons, des écoles, des granges et
même une église furent ainsi
construites, sans structure portante
autre que celle des bottes de paille.
Certaines de ces constructions existent
encore aujourdhui et sont toujours
en bon état.
Dans les années 1920, le ministère de
l'Agriculture du Dakota du Nord a édité
un manuel de construction de bâtiments
agricoles en ballots de paille utilisés
comme murs porteurs. La technique se
propagea alors dans dautres
régions des Etats-Unis.
Après avoir été délaissée au profit
de techniques plus modernes et plus
gourmandes en énergie,
lutilisation de la paille en
construction connut un renouveau, dans
les années 1970-1980, non seulement aux
Etats-Unis où lon dénombre
aujourdhui quelque 2 000
habitations construites selon cette
technique, mais aussi au Canada et au
Mexique. Dautres pays ont
également emboîté le pas :
lUruguay, lIslande, la
Grande-Bretagne, lIrlande, la
Suède, la Norvège, le Danemark, les
Pays-Bas, la Belgique, lAllemagne,
lAutriche, la Suisse, la Roumanie,
la Tchécoslovaquie, la Grèce, la
Turquie, la Mongolie, la Chine, le Japon,
lAustralie...
Lassociation américaine Builders
Without Borders ("Bâtisseurs sans
frontières", sans aucun lien avec
lassociation française ainsi
dénommée), créée en 1999 à Kingston
(New Mexico), encourage et soutient cette
technique dans les pays où elle
intervient au titre de la solidarité
internationale. Le leitmotiv de cet
organisme est daider les
populations locales à construire leurs
propres maisons en utilisant les
matériaux trouvés sur place - paille et
terre - pour éviter tout recours à
dautres matériaux importés, donc
plus coûteux.
A Montargis (Loiret), la maison
Feuillette - du nom de son constructeur -
a été bâtie en 1921 en ballots de
paille sur ossature bois, comme prototype
pour la reconstruction des fermes et
habitations paysannes au lendemain de la
guerre. Elle est toujours en bon état et
habitée. Les paysans dalors
savaient que la paille était un
excellent isolant thermique pour les
cabanons et abris pour les animaux.
Alors, pourquoi pas pour les humains ? Un
autre bâtiment fait figure de
précurseur dans notre pays: la maison du
Cun du Larzac, construite en 1979 pour
abriter une famille de contestataires
pacifistes opposés à l'installation
d'une base militaire sur leur plateau.
Dans les années 1980, les Québécois
Louis Gagné et François Tanguay
développèrent la technique du ballot de
paille maçonné avec des joints de
mortier. Le premier bâtiment issu de
l'expérience canadienne a été
construit à La Chasagne en 1986-87.
Cette technique est abandonnée
aujourdhui. Actuellement, il
existerait entre 100 et 300 maisons en
paille en France, généralement bâties
en autoconstruction, avec les conseils
avisés dassociations, organismes
ou architectes tels que La Maison en
Paille (André de Bouter - 16290
Champmillon), Arcanne (Samuel Courgey -
39330 Pagnoz), Le Gabion, Approche-Paille
(Vincent Brossamain et Jean-Baptiste
Thévard - 45000 Orléans), Espace et Vie
( 86300 Chauvigny), Manas Melliwa (31310
Montbrun-Bocage), Lourdès Malvido (86300
Chauvigny), etc.
La paille et le grain
Aussi généreuses soient-elles, aussi
soucieuses puissent-elles être de
préserver le devenir de notre planète,
les initiatives prises en matière de
construction en paille ne peuvent
cependant faire impunément
limpasse sur les contrôles
techniques visant à protéger au minimum
la santé et la sécurité des
utilisateurs. Qui dit paille dit en effet
en tout premier lieu risque
dincendie, puis de pourriture et
dattaques de rongeurs ou autres
"nuisibles". Or la construction
en ballots de paille ne fait pour
lheure lobjet daucun
DTU (document technique unifié), si bien
que les professionnels nosent pas
raisonnablement prendre
dinitiatives en ce domaine, en
dépit dune demande grandissante.
Toutefois, les tests réalisés par le
CEBTP (Centre dexpertise du
bâtiment et des travaux publics) et
lArcanne dans la petite commune
jurassienne de Montholier, avec le
concours financier de la Fédération
française du Bâtiment et de
lADEME (Agence gouvernementale de
lenvironnement et de la maîtrise
de lénergie), représentent un pas
important vers lélaboration de ce
DTU. Les tests effectués en laboratoire
ont en effet prouvé que la paille
comprimée résiste très bien au feu.
Bien protégée, elle ne craint pas
l'humidité et n'attire pas plus les
rongeurs que n'importe quel autre
isolant. Affaire à suivre.
Ouvrages de référence Encore
expérimentale et sujette aux aléas de
la technique, la construction en paille
nen a pas moins fait déjà
lobjet de publications nées
dexpériences "sur le
tas". Nous en retiendrons deux qui
nous semblent pouvoir faire référence
dans notre pays : "Bâtir en
paille" et "Construire son
habitation en paille". Le premier de
ces ouvrages, présenté comme un
classeur décolier complété par
un CD-ROM, est le fruit de maintes
recherches menées par Coralie et André
de Bouter en Inde, aux États-Unis, au
Mexique et en divers pays européens
avant la construction, courant 2000, de
leur propre maison en paille en Charente.
Forts de leur expérience personnelle,
les auteurs démontrent les atouts de
cette technique (beauté, qualités
disolation, caractère
biodégradable, facilité de mise en
oeuvre, autoconstruction, économie)
joints à ceux, complémentaires, de
lenduit terre et de lenduit
à la chaux. Ils néludent
évidemment pas les objections
généralement posées concernant les
risques dincendie et de pourriture,
les attaques de rongeurs, le permis de
construire, lassurance et autres
tracasseries dordre administratif
ou technique. Leur propos est toutefois,
on sen serait douté,
dencourager pareille démarche qui,
bien quencore marginale, va dans le
sens dun souci écologique ne se
contentant pas de se gargariser de beaux
principes. Place est ainsi faite, dans
les développements de leur manuel, aux
aspects techniques des différents modes
de construction : ossature bois, ossature
pierre, béton ou métal, murs porteurs.
Quant à la morale de cette belle
histoire, elle est à la fois
enthousiaste et réaliste : « La
construction en paille peut être simple
et économique comme elle peut être
complexe et coûteuse. » Difficile en
effet dêtre plus réaliste ! Il
nen est pas moins vrai qu «
il peut être sage de commencer par une
toute petite maison conçue de telle
façon que vous puissiez lagrandir
pus tard ». Ou alors - solution sans
doute encore plus sage -, « commencez
par une cabane/studio dans laquelle vous
pouvez habiter confortablement pendant la
construction de votre maison de rêve ».
Conclusion : sils se lancent dans
laventure de linnovation, les
bâtisseurs ne sont pas exempts de devoir
eux-mêmes essuyer les plâtres. Au même
titre que tous les autres inventeurs. Le
deuxième ouvrage est loeuvre de
Vincent Brossamain, professeur des
écoles, et Jean-Baptiste Thévard,
éducateur spécialisé et technicien du
bois. Leur savoir théorique, puis
pratique, en matière de construction,
ils lont acquis tout dabord
lors dun chantier expérimental au
Québec, auprès du Groupe de recherches
écologiques de la Batture (GREB). La
technique de construction propre à cet
organisme, mise au point par Patrick
Déry et Martin Simard dans les années
1990-1995, repose sur lutilisation
de ballots de paille insérés dans une
double ossature légère en bois, puis
protégés par du mortier et un enduit
final à la chaux. De retour en France,
Vincent Brossamain et Jean-Baptiste
Thévard ont adapté ce savoir-faire
emprunté outre-Atlantique à leur
situation locale, en commençant par la
simple extension dune maison en
bois pour aboutir à la création de
lassociation Approche-paille dont
la vocation est la promotion et la
construction dhabitations
écologiques en paille. De simples
utilisateurs quils étaient au
point de départ, ils sont
aujourdhui devenus formateurs,
conférenciers et conseillers. Doù
la publication de leur guide pratique «
à lusage des autoconstructeurs »
qui souhaitent « sattaquer au
mal-bâti » en construisant « des
maisons saines, écologiques,
confortables, économiques et modernes
». Sans minimiser les risques et
inconvénients évidents, mais
contrôlables, de cette technique, ils
soulignent quelle « ne nécessite
pas nécessairement lintervention
de professionnels », quelle « est
assez facile à mettre en oeuvre » et
surtout quelle représente un «
choix audacieux » cumulant de nombreux
avantages écologiques, économiques,
esthétiques ou autres.
Compléments dinformation sur
internet :
http://www.lamaisonenpaille.com
http://www.terrevivante.org/
http://batirsain.free.fr/
http://www.builderswithoutborders.org/
http://www.strawhouses.com
http://perso.wanadoo.fr/gabion/
http://www.laplumedefeu.com/ecovillage/le-greb.htm
http://approchepaille.free.fr/legrebso.html
Marc
CHARTIER
http://surlaroutedesbatisseurs.hautetfort.com/
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