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Loi relative au renseignement.
Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015.
Source : Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 25 juin
2015, sous le numéro 2015-713 DC, par le président du
Sénat, dans les conditions prévues à l'article 61,
deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative
au renseignement,
Et, le même jour, par le Président de la République,
Et, le même jour, par Mme Laure de LA RAUDIÈRE, M.
Pierre LELLOUCHE, Mme Laurence ABEILLE, M. Éric ALAUZET,
Mmes Brigitte ALLAIN, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, M.
Denis BAUPIN, Mme Michèle BONNETON, M. Sergio CORONADO,
Mmes Cécile DUFLOT, Véronique MASSONNEAU, Barbara
POMPILI, M. Jean-Louis ROUMEGAS, Mme Eva SAS, MM. Damien
ABAD, Élie ABOUD, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Patrick
BALKANY, Sylvain BERRIOS, Étienne BLANC, Xavier BRETON,
Luc CHATEL, Gérard CHERPION, Alain CHRÉTIEN, Philippe
COCHET, Jean-Louis COSTES, Marc-Philippe DAUBRESSE,
Claude de GANAY, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL,
Lucien DEGAUCHY, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Mmes
Sophie DION, Virginie DUBY-MULLER, MM. Sauveur
GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Franck GILARD,
Charles-Ange GINESY, Claude GOASGUEN, Jean-Pierre GORGES,
Mmes Claude GREFF, Anne GROMMERCH, Arlette GROSSKOST, MM.
Henri GUAINO, Jean-Jacques GUILLET, Antoine HERTH,
Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Denis JACQUAT, Jacques
KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, M. Jean-François
LAMOUR, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Bruno
LE MAIRE, Alain LEBOEUF, Jean LEONETTI, M. Céleste LETT,
Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Lionnel LUCA, Jean-François
MANCEL, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Alain MARSAUD,
Philippe ARMAND, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY,
Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Yannick MOREAU, Pierre
MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Valérie
PÉCRESSE, MM. Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT,
Jean-Frédéric POISSON, Mme Bérengère POLETTI, MM.
Frédéric REISS, Franck RIESTER, Arnaud ROBINET, Martial
SADDIER, Paul SALEN, Mme Claudine SCHMID, MM. Thierry
SOLÈRE, Éric STRAUMANN, Alain SUGUENOT, Lionel TARDY,
Jean-Charles TAUGOURDEAU, Michel VOISIN, Mmes Marie-Jo
ZIMMERMANN, Véronique BESSE, MM. Gilbert COLLARD, Jean
LASSALLE, Mme Marion MARÉCHAL-LE PEN, MM. Charles de
COURSON, Yannick FAVENNEC, Jean-Christophe FROMANTIN,
Maurice LEROY, Hervé MORIN, Arnaud RICHARD, Edouard
PHILIPPE, Noël MAMÈRE et Jean-Claude MIGNON, députés.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001
relative aux lois de finances ;
Vu le code de la défense ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code pénal ;
Vu le code des postes et des communications
électroniques ;
Vu le code de la sécurité intérieure ;
Vu la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance
dans l'économie numérique ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 7
juillet 2015 ;
Vu les observations en réplique présentées par les
députés requérants, enregistrées le 21 juillet 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le Président de la République, le
président du Sénat et plus de soixante députés
défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative au
renseignement ; que le Président de la République
demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la
conformité au droit au respect de la vie privée, à la
liberté de communication et au droit à un recours
juridictionnel effectif des articles L. 811-3, L. 821-5
à L. 821-7, L. 822-2 et L. 841-1 du code de la
sécurité intérieure tels qu'ils résultent de
l'article 2 de la loi, des articles L. 851-3, L. 851-5,
L. 851-6 et du paragraphe II de l'article L. 852-1 du
même code tels qu'ils résultent de l'article 5 de la
loi, des articles L. 853-1 à L. 853-3 du même code tels
qu'ils résultent de l'article 6 de la loi ainsi que des
articles L. 773-2 à L. 773-7 du code de justice
administrative tels qu'ils résultent de l'article 10 de
la loi ; que le président du Sénat n'invoque à
l'encontre de ce texte aucun grief particulier ; que les
députés requérants contestent la conformité à la
Constitution, et en particulier au droit au respect de la
vie privée et à la liberté d'expression, des articles
L. 811-3, L. 811-4, L. 821-1, L. 821-7 et L. 831-1 du
code de la sécurité intérieure tels qu'ils résultent
de l'article 2 de la loi, des articles L. 851-1 à L.
851-6 et de l'article L. 852-1 du même code tels qu'ils
résultent de l'article 5 de la loi, des articles L.
853-1 à L. 853-3 et L. 854-1 du même code tels qu'ils
résultent de l'article 6 de la loi ainsi que des
articles L. 773-3 et L. 773-6 du code de justice
administrative tels qu'ils résultent de l'article 10 de
la loi ;
- SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE :
2. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la
Constitution, il appartient au législateur de fixer les
règles concernant les garanties fondamentales accordées
aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ;
qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation
entre, d'une part, la prévention des atteintes à
l'ordre public et des infractions, nécessaire à la
sauvegarde de droits et de principes de valeur
constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des
droits et des libertés constitutionnellement garantis ;
qu'au nombre de ces derniers figurent le droit au respect
de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le
secret des correspondances, protégés par les articles 2
et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 5 de la
Constitution, le Président de la République est le
garant de l'indépendance nationale et de l'intégrité
du territoire ; qu'aux termes du premier alinéa de
l'article 20 : « Le Gouvernement détermine et conduit
la politique de la Nation » ; qu'en vertu de l'article
21, le Premier ministre « dirige l'action du
Gouvernement » et « est responsable de la Défense
nationale » ; que le secret de la défense nationale
participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de
la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de
la Nation et l'intégrité du territoire ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la
Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement
détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté
individuelle, assure le respect de ce principe dans les
conditions prévues par la loi » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la
Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle
la garantie des droits n'est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de
Constitution » ; que sont garantis par cette disposition
le droit des personnes intéressées à exercer un
recours juridictionnel effectif, le droit à un procès
équitable ainsi que le principe du contradictoire ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 2 :
6. Considérant que l'article 2 de la loi déférée
complète, par les titres Ier à IV, le livre VIII du
code de la sécurité intérieure créé par l'article
1er de la même loi ; que le titre Ier est consacré aux
dispositions générales et comprend les articles L.
811-1 à L. 811-4 ; que le titre II est consacré à la
procédure applicable aux techniques de recueil de
renseignement soumises à autorisation et comprend les
articles L. 821-1 à L. 822-4 ; que le titre III est
relatif à la commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement et comprend les articles L.
831-1 à L. 833-11 ; que le titre IV est consacré aux
recours relatifs à la mise en uvre des techniques
de renseignement soumises à autorisation et des fichiers
intéressant la sûreté de l'État et comprend les
articles L. 841-1 et L. 841-2 ;
. En ce qui concerne l'article L. 811-3 du code de la
sécurité intérieure :
7. Considérant que l'article L. 811-3 du code de la
sécurité intérieure énumère les finalités pour
lesquelles les services spécialisés de renseignement
peuvent recourir aux techniques définies aux articles L.
851-1 à L. 854-1 du même code tels qu'ils résultent
des articles 5 et 6 de la loi déférée, pour le seul
exercice de leurs missions respectives, afin de
recueillir des renseignements ; que ces finalités
correspondent à « la défense et la promotion des
intérêts fondamentaux de la Nation suivants : 1°
L'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et
la défense nationale ;
« 2° Les intérêts majeurs de la politique
étrangère, l'exécution des engagements européens et
internationaux de la France et la prévention de toute
forme d'ingérence étrangère ;
« 3° Les intérêts économiques, industriels et
scientifiques majeurs de la France ;
« 4° La prévention du terrorisme ;
« 5° La prévention :
« a) Des atteintes à la forme républicaine des
institutions ;
« b) Des actions tendant au maintien ou à la
reconstitution de groupements dissous en application de
l'article L. 212-1 ;
« c) Des violences collectives de nature à porter
gravement atteinte à la paix publique ;
« 6° La prévention de la criminalité et de la
délinquance organisées ;
« 7° La prévention de la prolifération des armes de
destruction massive » ;
8. Considérant que les députés requérants font valoir
que les finalités énumérées par le législateur sont
trop larges, au regard des techniques de recueil de
renseignement prévues par la loi déférée, et
insuffisamment définies ; qu'il en résulterait une
atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie
privée ainsi qu'à la liberté d'expression ;
9. Considérant que le recueil de renseignement au moyen
des techniques définies au titre V du livre VIII du code
de la sécurité intérieure par les services
spécialisés de renseignement pour l'exercice de leurs
missions respectives relève de la seule police
administrative ; qu'il ne peut donc avoir d'autre but que
de préserver l'ordre public et de prévenir les
infractions ; qu'il ne peut être mis en uvre pour
constater des infractions à la loi pénale, en
rassembler les preuves ou en rechercher les auteurs ;
10. Considérant qu'en retenant, pour déterminer les
finalités énumérées aux 1° à 4°, des définitions
faisant référence à certains des intérêts
mentionnés à l'article 410-1 du code pénal, le
législateur a précisément circonscrit les finalités
ainsi poursuivies et n'a pas retenu des critères en
inadéquation avec l'objectif poursuivi par ces mesures
de police administrative ; qu'il en va de même pour les
finalités définies au a) du 5°, faisant référence
aux incriminations pénales du chapitre II du titre Ier
du livre IV du code pénal, de celles définies au b) du
5°, faisant référence aux dispositions de l'article L.
212-1 du code de la sécurité intérieure, de celles
définies au c) du 5°, faisant référence aux
incriminations pénales définies aux articles 431-1 à
431-10 du code pénal, de celles définies au 6°,
faisant référence aux incriminations pénales
énumérées à l'article 706-73 du code de procédure
pénale et aux délits punis par l'article 414 du code
des douanes commis en bande organisée et de celles
définies au 7°, faisant référence aux incriminations
pénales définies aux articles L. 2339-14 à L. 2339-18
du code de la défense ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L.
811-3 doivent être combinées avec celles de l'article
L. 801-1, dans sa rédaction résultant de l'article 1er
de la loi déférée, aux termes desquelles la décision
de recourir aux techniques de renseignement et les
techniques choisies devront être proportionnées à la
finalité poursuivie et aux motifs invoqués ; qu'il en
résulte que les atteintes au droit au respect de la vie
privée doivent être proportionnées à l'objectif
poursuivi ; que la commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement et le Conseil d'État sont
chargés de s'assurer du respect de cette exigence de
proportionnalité ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que
les dispositions de l'article L. 811-3 du code de la
sécurité intérieure doivent être déclarées
conformes à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article L. 811-4 du code de la
sécurité intérieure :
13. Considérant que l'article L. 811-4 du code de la
sécurité intérieure renvoie à un décret en Conseil
d'État la désignation des services, autres que les
services spécialisés de renseignement, qui peuvent
être autorisés à recourir aux techniques définies au
titre V du livre VIII du code de la sécurité
intérieure ; qu'il renvoie également à ce décret la
délimitation, pour chaque service, des finalités et des
techniques qui peuvent donner lieu à autorisation ;
14. Considérant que, selon les députés requérants, en
renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de
déterminer les services non spécialisés qui pourront
recourir aux techniques de recueil de renseignement ainsi
que celles de ces techniques qu'il leur sera loisible de
mettre en uvre, le législateur n'a pas fixé
lui-même des règles concernant des garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des
libertés publiques ; que le législateur aurait ainsi
méconnu l'étendue de sa compétence ;
15. Considérant qu'en définissant les techniques de
recueil de renseignement qui peuvent être mises en
uvre par les services de renseignement et les
finalités pour lesquelles elles peuvent l'être tout en
confiant au pouvoir réglementaire le soin d'organiser
ces services visés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 du
code de la sécurité intérieure, le législateur n'est
pas resté en deçà de la compétence que lui attribue
l'article 34 de la Constitution pour fixer « les règles
concernant ... les garanties fondamentales accordées aux
citoyens pour l'exercice des libertés publiques » ; que
les dispositions de l'article L. 811-4 du code de la
sécurité intérieure doivent être déclarées
conformes à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article L. 821-1 du code de la
sécurité intérieure :
16. Considérant que l'article L. 821-1 du code de la
sécurité intérieure prévoit que les techniques de
recueil de renseignement définies aux articles L. 851-1
à L. 853-3 du même code sont mises en uvre sur le
territoire national par des agents individuellement
désignés et habilités, sur autorisation préalable du
Premier ministre délivrée après avis de la commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement ;
17. Considérant que, selon les députés requérants, en
prévoyant une autorisation délivrée par le pouvoir
exécutif, après avis de la commission nationale de
contrôle des techniques de renseignement, et en
permettant que l'autorisation puisse être délivrée en
dépit d'un avis défavorable de cette commission, les
dispositions contestées présenteraient des garanties
insuffisantes au regard des droits et libertés
constitutionnellement garantis, et notamment de la
liberté d'expression et de communication ; qu'en ne
plaçant pas le recours à ces techniques sous le
contrôle du juge judiciaire, le législateur
méconnaîtrait tant les exigences de l'article 66 de la
Constitution que celles de l'article 16 de la
Déclaration de 1789 ;
18. Considérant, en premier lieu, que l'autorisation,
sollicitée par une demande écrite et motivée du
ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou
des ministres chargés de l'économie, du budget ou des
douanes, est délivrée par le Premier ministre à des
agents individuellement désignés et habilités pour
mettre en uvre sur le territoire national des
techniques de recueil de renseignement, pour une durée
maximale de quatre mois ; qu'elle est subordonnée à
l'avis préalable de la commission nationale de contrôle
des techniques de renseignement ; que le législateur
s'est fondé sur l'article 21 de la Constitution pour
confier au Premier ministre le pouvoir d'autoriser la
mise en uvre des techniques de recueil de
renseignement dans le cadre de la police administrative ;
19. Considérant qu'en elle-même, la procédure
d'autorisation par le Premier ministre après avis de la
commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement ne méconnaît ni le droit au respect de la
vie privée, ni l'inviolabilité du domicile ni le secret
des correspondances ;
20. Considérant, en deuxième lieu, que ces
dispositions, qui sont relatives à la délivrance
d'autorisations de mesures de police administrative par
le Premier ministre après consultation d'une autorité
administrative indépendante, ne privent pas les
personnes d'un recours juridictionnel à l'encontre des
décisions de mise en uvre à leur égard des
techniques de recueil de renseignement ; que les
exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ne
sont donc pas méconnues ;
21. Considérant, en troisième lieu, que ces
dispositions ne portent pas d'atteinte à la liberté
individuelle ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède
que les dispositions de l'article L. 821-1 du code de la
sécurité intérieure doivent être déclarées
conformes à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article L. 821-5 du code de la
sécurité intérieure :
23. Considérant que l'article L. 821-5 du code de la
sécurité intérieure institue une procédure
dérogatoire de délivrance de l'autorisation de mettre
en uvre des techniques de recueil de renseignement
en cas d'urgence absolue et pour les seules finalités
mentionnées aux 1°, 4° et a) du 5° de l'article L.
811-3 du même code ; que, dans ce cas, l'autorisation du
Premier ministre est délivrée sans avis préalable de
la commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement, laquelle est informée sans délai et
reçoit dans les vingt-quatre heures à compter de la
délivrance de l'autorisation tous les éléments de
motivation de l'autorisation ainsi que ceux justifiant le
caractère d'urgence absolue ;
24. Considérant, d'une part, que la procédure
dérogatoire prévue par l'article L. 821-5 n'est pas
applicable lorsque la mise en uvre des techniques
de recueil de renseignement exige l'introduction dans un
lieu privé à usage d'habitation en application du
paragraphe V de l'article L. 853-1 ou du paragraphe V de
l'article L. 853-2 et n'est donc pas susceptible
d'affecter l'inviolabilité du domicile ;
25. Considérant, d'autre part, que la procédure
dérogatoire prévue par l'article L. 821-5 est
réservée à certaines des finalités mentionnées à
l'article L. 811-3, qui sont relatives à la prévention
d'atteintes particulièrement graves à l'ordre public,
et doit être motivée par le caractère d'urgence
absolue du recours à la technique de recueil de
renseignement ; que cette procédure n'est pas applicable
aux techniques de recueil de renseignement prévues aux
articles L. 851-2 et L. 851-3 et au 1° du paragraphe I
de l'article L. 853-2 ; qu'elle n'est pas non plus
applicable lorsqu'une technique prévue à l'article L.
853-1 ou au 2° de l'article L. 853-2 doit être mise en
uvre au moyen de l'introduction dans un lieu
d'habitation ; que la commission nationale de contrôle
des techniques de renseignement, qui doit en être
informée sans délai, doit recevoir l'ensemble des
éléments de motivation ainsi que la justification du
caractère d'urgence absolue dans un délai maximal de
vingt-quatre heures ; que la commission dispose de
l'ensemble des moyens relatifs au contrôle de la mise en
uvre d'une technique de recueil de renseignement
qui lui sont conférés par les articles L. 833-1 à L.
833-11 pour s'assurer que le cadre légal a été
respecté ; que l'autorisation du Premier ministre de
mettre en uvre les techniques de recueil de
renseignement selon cette procédure dérogatoire est
placée sous le contrôle juridictionnel du Conseil
d'État, chargé d'apprécier les motifs qui en ont
justifié l'usage ; que, par suite, les dispositions de
l'article L. 821-5 du code de la sécurité intérieure
ne portent pas d'atteinte manifestement disproportionnée
au droit au respect de la vie privée et au secret des
correspondances ;
26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que
les dispositions de l'article L. 821-5 du code de la
sécurité intérieure doivent être déclarées
conformes à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article L. 821-6 du code de la
sécurité intérieure :
27. Considérant que l'article L. 821-6 du code de la
sécurité intérieure institue une procédure
dérogatoire d'installation, d'utilisation et
d'exploitation des appareils ou dispositifs techniques de
localisation en temps réel d'une personne, d'un
véhicule ou d'un objet, d'identification d'un
équipement terminal ou du numéro d'abonnement ainsi que
de localisation de cet équipement ou d'interception des
correspondances émises ou reçues par cet équipement,
en cas d'urgence liée à une menace imminente ou à un
risque très élevé de ne pouvoir effectuer l'opération
ultérieurement ; que cette procédure permet aux agents
individuellement désignés et habilités d'installer,
utiliser et exploiter sans autorisation préalable ces
appareils ou dispositifs techniques ; que le Premier
ministre, le ministre concerné et la commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement en
sont informés sans délai et par tout moyen ; que le
Premier ministre peut ordonner à tout moment
d'interrompre la mise en uvre de la technique et de
détruire sans délai les renseignements collectés ;
qu'une autorisation doit être ensuite délivrée par le
Premier ministre, dans un délai de quarante-huit heures,
après avis rendu par la commission au vu des éléments
de motivation mentionnés à l'article L. 821-4 du même
code et de ceux justifiant le recours à la procédure
d'urgence ;
28. Considérant, d'une part, que la procédure prévue
à l'article L. 821-6 peut être utilisée pour la mise
en place des techniques de recueil de renseignement
prévues par les articles L. 851-5, L. 851-6 et par le
paragraphe II de l'article L. 852-1 du code de la
sécurité intérieure ; que ces procédures permettent
à l'autorité administrative d'utiliser un dispositif
technique permettant la localisation en temps réel d'une
personne, d'un véhicule ou d'un objet, ou de recueillir
ou d'intercepter, au moyen d'un appareil ou d'un
dispositif, sans le consentement de leur auteur les
données de connexion permettant l'identification d'un
équipement terminal ou du numéro d'abonnement de son
utilisateur ainsi que les données relatives à la
localisation des équipements terminaux utilisés et les
correspondances émises ou reçues par un équipement
terminal ;
29. Considérant, d'autre part, qu'à l'inverse des
autres procédures dérogatoires, y compris celle
instituée par l'article L. 821-5 du même code, la
procédure prévue par l'article L. 821-6 permet de
déroger à la délivrance préalable d'une autorisation
par le Premier ministre ou par l'un de ses collaborateurs
directs habilités au secret de la défense nationale
auxquels il a délégué cette attribution, ainsi qu'à
la délivrance d'un avis préalable de la commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement ;
qu'elle ne prévoit pas non plus que le Premier ministre
et le ministre concerné doivent être informés au
préalable de la mise en uvre d'une technique dans
ce cadre ; que, par suite, les dispositions de l'article
L. 821-6 portent une atteinte manifestement
disproportionnée au droit au respect de la vie privée
et au secret des correspondances ; que les dispositions
de l'article L. 821-6 du code de la sécurité
intérieure doivent être déclarées contraires à la
Constitution ;
30. Considérant que, par voie de conséquence, la
dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 821-7
du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction
résultant de l'article 2 de la loi déférée, qui est
indissociable des dispositions de l'article L. 821-6,
doit également être déclarée contraire à la
Constitution ; qu'il en va de même des mots : « et L.
821-6 » au septième alinéa de l'article L. 833-9 du
code de la sécurité intérieure dans sa rédaction
résultant de l'article 2 de la loi déférée ;
. En ce qui concerne l'article L. 821-7 du code de la
sécurité intérieure :
31. Considérant que l'article L. 821-7 du code de la
sécurité intérieure interdit qu'un parlementaire, un
magistrat, un avocat ou un journaliste puisse être
l'objet d'une demande de mise en uvre, sur le
territoire national, d'une technique de recueil de
renseignement définie aux articles L. 851-1 à L. 853-3
à raison de l'exercice de son mandat ou de sa profession
; qu'il impose un examen en formation plénière par la
commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement d'une demande concernant l'une de ces
personnes ou ses véhicules, ses bureaux ou ses domiciles
; qu'il interdit le recours à la procédure dérogatoire
prévue par l'article L. 821-5 ; que la commission, qui
est informée des modalités d'exécution des
autorisations délivrées en application du présent
article, et à laquelle sont transmises les
transcriptions des renseignements collectés sur ce
fondement, veille au caractère nécessaire et
proportionné des atteintes portées aux garanties
attachées à l'exercice des activités professionnelles
ou mandats ;
32. Considérant que, selon les députés requérants,
ces dispositions n'assurent pas une protection suffisante
contre l'atteinte indirecte au secret des sources des
journalistes ainsi qu'à la confidentialité des
échanges entre avocats et clients ; qu'il en
résulterait une atteinte au droit au respect de la vie
privée ainsi que, pour les avocats, aux droits de la
défense et au droit à un procès équitable, et pour
les journalistes, à la liberté d'expression ; qu'en
outre, l'absence d'incrimination pénale des agents qui
révèleraient le contenu des renseignements collectés
permettrait le contournement des garanties légales de la
protection du secret professionnel de ces professions ;
33. Considérant que les députés requérants contestent
également l'absence d'application des dispositions
contestées aux professeurs d'université et maîtres de
conférences, en méconnaissance du principe fondamental
reconnu par les lois de la République d'indépendance
des enseignants-chercheurs ;
34. Considérant, en premier lieu, que les dispositions
contestées prévoient un examen systématique par la
commission nationale de contrôle des techniques de
recueil de renseignement siégeant en formation
plénière d'une demande de mise en uvre d'une
technique de renseignement concernant un membre du
Parlement, un magistrat, un avocat ou un journaliste ou
leurs véhicules, bureaux ou domiciles, laquelle ne peut
intervenir à raison de l'exercice du mandat ou de la
profession ; que la procédure dérogatoire prévue par
l'article L. 821-5 du code de la sécurité intérieure
n'est pas applicable ; qu'il incombe à la commission,
qui est destinataire de l'ensemble des transcriptions de
renseignements collectés dans ce cadre, de veiller, sous
le contrôle juridictionnel du Conseil d'État, à la
proportionnalité tant des atteintes portées au droit au
respect de la vie privée que des atteintes portées aux
garanties attachées à l'exercice de ces activités
professionnelles ou mandats ; qu'il résulte de ce qui
précède que les dispositions de l'article L. 821-7 ne
portent pas une atteinte manifestement disproportionnée
au droit au respect de la vie privée, à
l'inviolabilité du domicile et au secret des
correspondances ;
35. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 226-13
du code pénal incrimine la révélation d'une
information à caractère secret par une personne qui en
est dépositaire ; que, par suite, le grief tiré de
l'absence d'incrimination pénale des agents qui
révèleraient les renseignements ou données collectés
manque en fait ;
36. Considérant, en troisième lieu, que le principe
d'indépendance des enseignants-chercheurs n'implique pas
que les professeurs d'université et maîtres de
conférences doivent bénéficier d'une protection
particulière en cas de mise en uvre à leur égard
de techniques de recueil de renseignement dans le cadre
de la police administrative ;
37. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui
précède que le surplus des dispositions de l'article L.
821-7 du code de la sécurité intérieure, qui ne
méconnaissent aucune exigence constitutionnelle, doivent
être déclarées conformes à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article L. 822-2 du code de la
sécurité intérieure :
38. Considérant que l'article L. 822-2 du code de la
sécurité intérieure fixe les durées de conservation
maximales des renseignements collectés par la mise en
uvre d'une technique de recueil de renseignement
définie aux articles L. 851-1 à L. 853-3 du même code
; que ces durées sont de trente jours à compter de leur
recueil pour les correspondances interceptées et les
paroles captées, de cent vingt jours à compter de leur
recueil pour les données informatiques et les images, de
quatre ans à compter de leur recueil pour les données
de connexion et de six ans à compter de leur recueil
pour les données chiffrées ;
39. Considérant qu'en prévoyant de telles durées de
conservation en fonction des caractéristiques des
renseignements collectés ainsi qu'une durée maximale de
conservation de six ans à compter du recueil des
données chiffrées, au-delà de laquelle les
renseignements collectés doivent être détruits, le
législateur n'a méconnu aucune exigence
constitutionnelle ; que les dispositions de l'article L.
822-2 du code de la sécurité intérieure doivent être
déclarées conformes à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article L. 831-1 du code de la
sécurité intérieure :
40. Considérant que l'article L. 831-1 du code de la
sécurité intérieure est relatif à la composition de
la commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement, qui est qualifiée d'autorité
administrative indépendante ; qu'elle est composée de
neuf membres, dont un président ; qu'elle comprend deux
députés et deux sénateurs, désignés, respectivement,
pour la durée de la législature par l'Assemblée
nationale et pour la durée de leur mandat par le Sénat,
deux membres du Conseil d'État nommés par le
vice-président du Conseil d'État, deux magistrats hors
hiérarchie de la Cour de cassation nommés conjointement
par le Premier président et par le procureur général
de la Cour de cassation et une personnalité qualifiée
pour sa connaissance en matière de communications
électroniques nommée sur proposition du président de
l'autorité de régulation des communications
électroniques et des postes ; que son président est
nommé par décret du Président de la République parmi
les membres issus du Conseil d'État ou de la Cour de
cassation ; que la durée du mandat des membres non
parlementaires est fixée à six ans ; que le mandat des
membres n'est pas renouvelable ; que les membres du
Conseil d'État et les magistrats de la Cour de cassation
sont renouvelés par moitié tous les trois ans ; que la
commission peut suspendre le mandat d'un de ses membres
ou y mettre fin en cas d'incompatibilité, d'empêchement
ou de manquement ;
41. Considérant que les députés requérants
soutiennent que la composition de la commission nationale
de contrôle des techniques de renseignement est fixée
en méconnaissance du principe de séparation des
pouvoirs dès lors, d'une part, qu'un seul de ses neuf
membres est désigné eu égard à ses compétences en
matière de communications électroniques et, d'autre
part, que les membres du Parlement sont minoritaires ;
42. Considérant, d'une part, que la présence d'une
seule personnalité qualifiée pour sa connaissance en
matière de communications électroniques au sein de la
commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement est sans incidence sur le respect du
principe de la séparation des pouvoirs ;
43. Considérant, d'autre part, que la présence de
membres du Parlement parmi les membres de la commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement
n'est pas de nature à porter atteinte au principe de la
séparation des pouvoirs, garanti par l'article 16 de la
Déclaration de 1789, dès lors qu'ils sont astreints, en
vertu du troisième alinéa de l'article L. 832-5 du code
de la sécurité intérieure, au respect des secrets
protégés aux articles 226-13 et 413-10 du code pénal ;
44. Considérant que l'article L. 831-1 du code de la
sécurité intérieure doit être déclaré conforme à
la Constitution ;
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article
L. 832-4 du code de la sécurité intérieure :
45. Considérant que l'article L. 832-4 du code de la
sécurité intérieure est relatif aux moyens accordés
à la commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement ; qu'à ce titre, la deuxième phrase du
premier alinéa de cet article dispose que les crédits
de la commission sont inscrits au programme « Protection
des droits et libertés » de la mission « Direction de
l'action du Gouvernement » ;
Considérant que le 1° du paragraphe II de l'article 34
de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, à
laquelle renvoie l'article 34 de la Constitution,
réserve à un texte de loi de finances le soin de fixer
« pour le budget général, par mission, le montant des
autorisations d'engagement et des crédits de paiement »
;
47. Considérant que la deuxième phrase du premier
alinéa de l'article L. 832-4, qui empiète sur le
domaine exclusif d'intervention des lois de finances,
doit être déclarée contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article L. 841-1 du code de la
sécurité intérieure :
48. Considérant que l'article L. 841-1 du code de la
sécurité intérieure prévoit que « Sous réserve des
dispositions particulières prévues à l'article L.
854-1 du présent code, le Conseil d'État est compétent
pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre
III bis du titre VII du livre VII du code de justice
administrative, des requêtes concernant la mise en
uvre des techniques de renseignement mentionnées
au titre V du présent livre » ; qu'en vertu du 1° du
même article, le Conseil d'État peut être saisi par
toute personne souhaitant vérifier qu'elle ne fait pas,
ou n'a pas fait, l'objet d'une surveillance
irrégulière, sous réserve de l'exercice d'une
réclamation préalable auprès de la commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement
conformément à l'article L. 833-4 du même code ; qu'en
vertu du 2° de l'article L. 841-1, le Conseil d'État
peut être saisi par ladite commission lorsqu'elle estime
que ses avis ou recommandations n'ont pas été suivis
d'effet ou que les suites qui y ont été données sont
insuffisantes, ou par au moins trois de ses membres ;
qu'en vertu du cinquième alinéa de l'article L. 841-1,
une juridiction administrative ou une autorité
judiciaire saisie d'une procédure ou d'un litige dont la
solution dépend de l'examen de la régularité d'une
technique de recueil de renseignement a la faculté de
saisir le Conseil d'État à titre préjudiciel ;
49. Considérant que l'article L. 841-1 du code de la
sécurité intérieure, qui met en uvre le droit à
un recours juridictionnel effectif, doit, à l'exception
des mots : « Sous réserve des dispositions
particulières prévues à l'article L. 854-1 du présent
code, », être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 5 :
50. Considérant que l'article 5 de la loi complète le
livre VIII du code de la sécurité intérieure par un
titre V intitulé « Des techniques de recueil de
renseignement soumises à autorisation » au sein duquel
il est inséré un chapitre Ier intitulé « Des accès
administratifs aux données de connexion » comprenant
les articles L. 851-1 à L. 851-7 et un chapitre II
intitulé « Des interceptions de sécurité »
comprenant l'article L. 852-1 ;
51. Considérant que les techniques de recueil de
renseignement prévues aux articles L. 851-1 à L. 851-6
et à l'article L. 852-1 s'exercent, sauf disposition
spécifique, dans les conditions prévues au chapitre Ier
du titre II du code de la sécurité intérieure ;
qu'ainsi, elles sont autorisées par le Premier ministre,
sur demande écrite et motivée du ministre de la
défense, du ministre de l'intérieur ou des ministres
chargés de l'économie, du budget ou des douanes, après
avis préalable de la commission nationale de contrôle
des techniques de renseignement ; que ces techniques ne
peuvent être mises en uvre que par des agents
individuellement désignés et habilités ; qu'elles sont
réalisées sous le contrôle de la commission nationale
de contrôle des techniques de renseignement ; que la
composition et l'organisation de cette autorité
administrative indépendante sont définies aux articles
L. 831-1 à L. 832-5 du code de la sécurité intérieure
dans des conditions qui assurent son indépendance ; que
ses missions sont définies aux articles L. 833-1 à L.
833-11 du même code dans des conditions qui assurent
l'effectivité de son contrôle ; que, conformément aux
dispositions de l'article L. 841-1 du même code, le
Conseil d'État peut être saisi par toute personne
souhaitant vérifier qu'aucune technique de recueil de
renseignement n'est irrégulièrement mise en uvre
à son égard ou par la commission nationale de contrôle
des techniques de renseignement ; qu'enfin, en
application des dispositions de l'article L. 871-6 du
même code, les opérations matérielles nécessaires à
la mise en place des techniques mentionnées aux articles
L. 851-1 à L. 851-4 et L. 852-1 ne peuvent être
exécutées, dans leurs réseaux respectifs, que par des
agents qualifiés des services ou organismes placés sous
l'autorité ou la tutelle du ministre chargé des
communications électroniques ou des exploitants de
réseaux ou fournisseurs de services de
télécommunications ;
. En ce qui concerne les articles L. 851-1 et L. 851-2 du
code de la sécurité intérieure :
52. Considérant que l'article L. 851-1 du code de la
sécurité intérieure reprend la procédure de
réquisition administrative de données techniques de
connexion prévue auparavant à l'article L. 246-1 du
même code autorisant l'autorité administrative à
recueillir des informations ou documents traités ou
conservés par leurs réseaux ou services de
communications électroniques, auprès des opérateurs de
communications électroniques, auprès des personnes
offrant, au titre d'une activité professionnelle
principale ou accessoire, au public une connexion
permettant une communication en ligne par
l'intermédiaire d'un accès au réseau et auprès de
celles qui assurent, pour mise à disposition du public
par des services de communication au public en ligne, le
stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de
messages de toute nature fournis par des destinataires de
ces services ; que, par exception aux dispositions de
l'article L. 821-2 du même code, lorsque la demande sera
relative à l'identification des numéros d'abonnement ou
de connexion à des services de communications
électroniques ou au recensement de l'ensemble des
numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne
désignée, elle sera directement transmise à la
commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement par les agents individuellement désignés
et habilités des services de renseignement ;
53. Considérant que l'article L. 851-2 du code de la
sécurité intérieure permet à l'administration, pour
les seuls besoins de la prévention du terrorisme, de
recueillir en temps réel, sur les réseaux des
opérateurs et personnes mentionnés à l'article L.
851-1, les informations ou documents mentionnés à ce
même article relatifs à une personne préalablement
identifiée comme présentant une menace ;
54. Considérant que les députés requérants font
valoir que le législateur a méconnu l'étendue de sa
compétence en ne définissant pas suffisamment les
données de connexion pouvant faire l'objet d'un recueil
par les autorités administratives et que la procédure
porte une atteinte disproportionnée au droit au respect
de la vie privée compte tenu de la nature des données
pouvant être recueillies, de l'ampleur des techniques
pouvant être utilisées et des finalités poursuivies ;
55. Considérant, en premier lieu, que l'autorisation de
recueil de renseignement prévue par les articles L.
851-1 et L. 851-2 porte uniquement sur les informations
ou documents traités ou conservés par les réseaux ou
services de communications électroniques des personnes
mentionnées au considérant 52 ; que selon les
dispositions du paragraphe VI de l'article L. 34-1 du
code des postes et des communications électroniques, les
données conservées et traitées par les opérateurs de
communications électroniques et les personnes offrant au
public une connexion permettant une telle communication
portent exclusivement sur l'identification des personnes
utilisatrices des services fournis par les opérateurs,
sur les caractéristiques techniques des communications
assurées par ces derniers et sur la localisation des
équipements terminaux et ne peuvent en aucun cas porter
sur le contenu des correspondances échangées ou des
informations consultées, sous quelque forme que ce soit,
dans le cadre de ces communications ; que selon le
paragraphe II de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004,
les données conservées par les personnes offrant un
accès à des services de communication en ligne et
celles assurant le stockage de diverses informations pour
mise à disposition du public par ces services sont
celles de nature à permettre l'identification de
quiconque a contribué à la création du contenu ou de
l'un des contenus des services dont elles sont
prestataires ; qu'ainsi, le législateur a suffisamment
défini les données de connexion, qui ne peuvent porter
sur le contenu de correspondances ou les informations
consultées ;
56. Considérant, en second lieu, que cette technique de
recueil de renseignement est mise en uvre dans les
conditions et avec les garanties rappelées au
considérant 51 ; qu'elle ne pourra être mise en
uvre que pour les finalités énumérées à
l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure ;
qu'elle est autorisée pour une durée de quatre mois
renouvelable conformément à l'article L. 821-4 du même
code ; qu'en outre, lorsque le recueil des données a
lieu en temps réel, il ne pourra être autorisé que
pour les besoins de la prévention du terrorisme, pour
une durée de deux mois renouvelable, uniquement à
l'égard d'une personne préalablement identifiée comme
présentant une menace et sans le recours à la
procédure d'urgence absolue prévue à l'article L.
821-5 du même code ; que, par suite, le législateur a
assorti la procédure de réquisition de données
techniques de garanties propres à assurer entre, d'une
part, le respect de la vie privée des personnes et,
d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre
public et celle des infractions, une conciliation qui
n'est pas manifestement déséquilibrée ;
57. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède
que les articles L. 851-1 et L. 851-2 du code de la
sécurité intérieure doivent être déclarés conformes
à la Constitution ;
. En ce qui concerne l'article L. 851-3 du code de la
sécurité intérieure :
58. Considérant que l'article L. 851-3 du code de la
sécurité intérieure prévoit qu'il pourra être
imposé aux opérateurs et aux personnes mentionnées à
l'article L. 851-1 du même code la mise en uvre,
sur leur réseau, de traitements automatisés destinés,
en fonction de paramètres précisés dans
l'autorisation, à détecter des connexions susceptibles
de révéler une menace terroriste ; que ces traitements
automatisés utiliseront exclusivement les informations
ou documents mentionnés à l'article L. 851-1, sans
recueillir d'autres données que celles répondant à
leurs paramètres de conception et sans permettre
l'identification des personnes auxquelles les
informations ou documents se rapportent ; que, lorsque
ces traitements détecteront des données susceptibles de
caractériser l'existence d'une menace terroriste,
l'identification de la ou des personnes concernées et le
recueil des données y afférentes pourront être
autorisés par le Premier ministre ou par l'une des
personnes déléguées par lui ;
59. Considérant que les députés requérants
soutiennent que, compte tenu du nombre de données
susceptibles d'être contrôlées et de l'insuffisance
des garanties concernant les « faux positifs », la
technique prévue par ces dispositions porte une atteinte
disproportionnée au droit au respect de la vie privée ;
60. Considérant que la technique de recueil de
renseignement prévue à l'article L. 851-3 est mise en
uvre dans les conditions et avec les garanties
rappelées au considérant 51 ; qu'elle ne peut être
mise en uvre qu'aux fins de prévention du
terrorisme ; que tant le recours à la technique que les
paramètres du traitement automatisé sont autorisés
après avis de la commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement ; que la première
autorisation d'utilisation de cette technique est
délivrée pour une durée limitée à deux mois et que
la demande de renouvellement doit comporter un relevé du
nombre d'identifiants signalés par le traitement
automatisé et une analyse de la pertinence de ces
signalements ; que les traitements automatisés utilisent
exclusivement les informations ou documents mentionnés
à l'article L. 851-1, sans recueillir d'autres données
que celles qui répondent à leurs paramètres de
conception et sans permettre l'identification des
personnes auxquelles les informations ou documents se
rapportent ; que, lorsqu'une donnée détectée par le
traitement automatisé est susceptible de caractériser
l'existence d'une menace terroriste, une nouvelle
autorisation du Premier ministre sera nécessaire, après
avis de la commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement, afin d'identifier la
personne concernée ; que ces données sont exploitées
dans un délai de soixante jours à compter de ce recueil
et sont détruites à l'expiration de ce délai sauf en
cas d'éléments sérieux confirmant l'existence d'une
menace terroriste ; que l'autorisation d'usage de cette
technique ne peut être délivrée selon la procédure
d'urgence absolue prévue à l'article L. 821-5 ; que,
par suite, ces dispositions ne portent pas une atteinte
manifestement disproportionnée au droit au respect de la
vie privée ; que les dispositions de l'article L. 851-3
du code de la sécurité intérieure doivent être
déclarées conformes à la Constitution ;
. En ce qui concerne les articles L. 851-4, L. 851-5 et
L. 851-6 du code de la sécurité intérieure :
61. Considérant que l'article L. 851-4 du code de la
sécurité intérieure autorise l'autorité
administrative à requérir des opérateurs la
transmission en temps réel des données techniques
relatives à la localisation des équipements terminaux
utilisés mentionnés à l'article L. 851-1 ; que, selon
l'article L. 851-5, l'autorité administrative peut
utiliser un dispositif technique permettant la
localisation en temps réel d'une personne, d'un
véhicule ou d'un objet ; que l'article L. 851-6 prévoit
la possibilité pour cette même autorité de recueillir,
au moyen d'un appareil ou d'un dispositif permettant
d'intercepter, sans le consentement de leur auteur, des
paroles ou des correspondances émises, transmises ou
reçues par la voie électronique ou d'accéder à des
données informatiques, les données de connexion
permettant l'identification d'un équipement terminal ou
du numéro d'abonnement de son utilisateur ainsi que les
données relatives à la localisation des équipements
terminaux utilisés ;
62. Considérant que, selon les députés requérants, au
regard des finalités justifiant leur mise en uvre,
ces techniques portent une atteinte disproportionnée au
droit au respect de la vie privée ;
63. Considérant que les techniques de recueil de
renseignement précitées sont mises en uvre dans
les conditions et avec les garanties rappelées au
considérant 51 et pour les finalités énumérées à
l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure ;
que lorsque la mise en uvre de la technique prévue
à l'article L. 851-5 impose l'introduction dans un
véhicule ou dans un lieu privé, cette mesure s'effectue
selon les modalités définies à l'article L. 853-3 ;
que l'autorisation d'utilisation de la technique prévue
à l'article L. 851-6 est délivrée pour une durée de
deux mois renouvelable dans les mêmes conditions de
durée ; que les appareils ou dispositifs utilisés dans
le cadre de cette dernière technique font l'objet d'une
inscription dans un registre spécial tenu à la
disposition de la commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement ; que le nombre maximal de
ces appareils ou dispositifs pouvant être utilisés
simultanément est arrêté par le Premier ministre,
après avis de cette commission ; que les informations ou
documents recueillis par ces appareils ou dispositifs
doivent être détruits dès qu'il apparaît qu'ils ne
sont pas en rapport avec l'autorisation de mise en
uvre et, en tout état de cause, dans un délai
maximal de quatre-vingt-dix jours à compter de leur
recueil ; que, dans ces conditions, les dispositions
critiquées ne portent pas une atteinte manifestement
disproportionnée au droit au respect de la vie privée ;
que, par suite, les dispositions des articles L. 851-4,
L. 851-5 et L. 851-6 du code de la sécurité intérieure
doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article L. 852-1 du code de la
sécurité intérieure :
64. Considérant que le paragraphe I de l'article L.
852-1 du code de la sécurité intérieure autorise les
interceptions administratives de correspondances émises
par la voie des communications électroniques ; que les
personnes appartenant à l'entourage d'une personne
concernée par l'autorisation d'interception peuvent
également faire l'objet de ces interceptions
lorsqu'elles sont susceptibles de fournir des
informations au titre de la finalité qui motive
l'autorisation ;
65. Considérant que le paragraphe II de ce même article
prévoit que, pour les finalités mentionnées aux 1°,
4° et a) du 5° de l'article L. 811-3, l'utilisation
d'un appareil ou d'un dispositif permettant
d'intercepter, sans le consentement de leur auteur, des
paroles ou des correspondances émises, transmises ou
reçues par la voie électronique ou d'accéder à des
données informatiques peut être autorisée afin
d'intercepter des correspondances émises ou reçues par
un équipement terminal ; que les correspondances
interceptées sont détruites dès qu'il apparaît
qu'elles sont sans lien avec l'autorisation délivrée,
au plus tard trente jours à compter de leur recueil ;
66. Considérant que, selon les députés requérants, au
regard des finalités justifiant leur mise en uvre,
ces techniques portent une atteinte disproportionnée au
droit au respect de la vie privée ;
67. Considérant que les techniques d'interception de
correspondance prévues au paragraphe I de l'article L.
852-1 sont mises en uvre dans les conditions et
avec les garanties rappelées au considérant 51 ;
qu'elles ne pourront être mises en uvre que pour
les finalités énumérées à l'article L. 811-3 du code
de la sécurité intérieure ; que le nombre maximal des
autorisations d'interception en vigueur simultanément
est arrêté par le Premier ministre après avis de la
commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement ; qu'afin de faciliter le contrôle de
cette commission, l'exécution de ces interceptions sera
centralisée ; qu'en outre, en ce qui concerne les
interceptions réalisées au moyen de la technique
prévue au paragraphe II de l'article L. 851-2,
l'autorisation ne pourra être délivrée que pour
certaines des finalités mentionnées à l'article L.
811-3, qui sont relatives à la prévention d'atteintes
particulièrement graves à l'ordre public ; que les
correspondances ainsi interceptées seront détruites
dès qu'il apparaîtra qu'elles sont sans lien avec
l'autorisation délivrée et au plus tard trente jours à
compter de leur recueil ; qu'il résulte de ce qui
précède que le législateur n'a pas, par les
dispositions précitées, opéré une conciliation
manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la
prévention des atteintes à l'ordre public et celle des
infractions et, d'autre part, le droit au respect de la
vie privée et le secret des correspondances ; que, par
suite, les dispositions de l'article L. 852-1 du code de
la sécurité intérieure doivent être déclarées
conformes à la Constitution ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 6 :
68. Considérant que l'article 6 de la loi complète le
titre V du livre VIII du code de sécurité intérieure
par un chapitre III intitulé « De la sonorisation de
certains lieux et véhicules et de la captation d'images
et de données informatiques » comprenant les articles
L. 853-1 à L. 853-3 et par un chapitre IV intitulé «
Des mesures de surveillance internationale » comprenant
un article L. 854-1 ;
. En ce qui concerne les articles L. 853-1 à L. 853-3 du
code de la sécurité intérieure :
69. Considérant que l'article L. 853-1 du code de la
sécurité intérieure autorise, lorsque les
renseignements ne peuvent être recueillis par un autre
moyen légalement autorisé, l'utilisation de dispositifs
techniques permettant la captation, la fixation, la
transmission et l'enregistrement de paroles prononcées
à titre privé ou confidentiel, ou d'images dans un lieu
privé ; que l'article L. 853-2 du même code prévoit,
dans les mêmes conditions, l'utilisation de dispositifs
techniques permettant d'accéder à des données
informatiques stockées dans un système informatique, de
les enregistrer, de les conserver et de les transmettre
ou d'accéder à des données informatiques, de les
enregistrer, de les conserver et de les transmettre,
telles qu'elles s'affichent sur un écran pour
l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de
données, telles qu'il les y introduit par saisie de
caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises
par des périphériques audiovisuels ;
70. Considérant que l'article L. 853-3 du code de la
sécurité intérieure permet, lorsque les renseignements
ne peuvent être recueillis par un autre moyen
légalement autorisé, l'introduction dans un véhicule
ou dans un lieu privé aux seules fins de mettre en
place, d'utiliser ou de retirer les dispositifs
techniques mentionnés aux articles L. 851-5, L. 853-1 et
L. 853-2 ;
71. Considérant que les députés requérants
soutiennent que ces techniques doivent, compte tenu de
leur caractère intrusif, être contrôlées par le juge
judiciaire et qu'elles portent une atteinte
disproportionnée à l'inviolabilité du domicile et au
droit au respect de la vie privée ;
72. Considérant, en premier lieu, que les techniques de
recueil de renseignement prévues aux articles L. 853-1
et L. 853-2, mises en place, le cas échéant, en
application de l'article L. 853-3, à la suite de
l'introduction dans un lieu privé ou dans un véhicule
ne constituant pas un lieu privé à usage d'habitation,
s'exercent, sauf disposition spécifique, dans les
conditions prévues au chapitre Ier du titre II du code
de la sécurité intérieure rappelées au considérant
51 ; que ces techniques ne peuvent être utilisées que
pour les finalités énumérées à l'article L. 811-3 du
code de la sécurité intérieure et si les
renseignements recherchés ne peuvent être recueillis
par un autre moyen légalement autorisé ; qu'il
appartiendra à la commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement de s'assurer lors de l'examen
de la demande du respect de cette condition ; que
l'autorisation est délivrée pour une durée de deux
mois ou de trente jours selon la technique utilisée ;
que le service autorisé à recourir à la technique de
recueil de renseignement rend compte à la commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement de
sa mise en uvre ; que l'utilisation des dispositifs
techniques et, le cas échéant, l'introduction dans un
lieu privé ou un véhicule, ne peuvent être le fait que
d'agents individuellement désignés et habilités
appartenant à l'un des services mentionnés aux articles
L. 811-2 et L. 811-4 et dont la liste est fixée par
décret en Conseil d'État ; que lorsque l'introduction
dans un lieu privé ou dans un véhicule est nécessaire
pour utiliser un dispositif technique permettant
d'accéder à des données stockées dans un système
informatique, l'autorisation ne peut être donnée
qu'après avis exprès de la commission nationale de
contrôle des techniques de renseignement, statuant en
formation restreinte ou plénière ; que l'exigence de
cet avis exprès préalable exclut l'application de la
procédure d'urgence prévue à l'article L. 821-5 ;
qu'il résulte de ce qui précède que le législateur a
entouré la mise en uvre des techniques prévues
aux articles L. 853-1 à L. 853-3, le cas échéant
lorsqu'elles imposent l'introduction dans un lieu privé
ou un véhicule, qui n'est pas à usage d'habitation, de
dispositions de nature à garantir que les restrictions
apportées au droit au respect de la vie privée ne
revêtent pas un caractère manifestement
disproportionné ;
73. Considérant, en deuxième lieu, que lorsque la mise
en uvre des techniques de recueil de renseignement
prévues aux articles L. 853-1 et L. 853-2 impose
l'introduction dans un lieu privé à usage d'habitation,
l'autorisation ne peut être donnée qu'après avis
exprès de la commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement, statuant en formation
restreinte ou plénière ; que l'exigence de cet avis
exprès préalable exclut l'application de la procédure
d'urgence prévue à l'article L. 821-5 ; que, lorsque
cette introduction est autorisée après avis
défavorable de la commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement, le Conseil d'État est
immédiatement saisi par le président de la commission
ou par l'un des membres de celle-ci mentionnés aux 2°
et 3° de l'article L. 831-1 ; que, sauf si
l'autorisation a été délivrée pour la prévention du
terrorisme et que le Premier ministre a ordonné sa mise
en uvre immédiate, la décision d'autorisation ne
peut être exécutée avant que le Conseil d'État ait
statué ; qu'il résulte de ce qui précède que le
législateur a entouré la mise en uvre des
techniques prévues aux articles L. 853-1 à L. 853-3,
lorsqu'elles imposent l'introduction dans un lieu privé
à usage d'habitation, de dispositions de nature à
garantir que les restrictions apportées au droit au
respect de la vie privée et à l'inviolabilité du
domicile ne revêtent pas un caractère manifestement
disproportionné ;
74. Considérant, en troisième lieu, que les
dispositions contestées ne portent pas atteinte à la
liberté individuelle ;
75. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède
que les articles L. 853-1, L. 853-2 et L. 853-3 du code
de la sécurité intérieure doivent être déclarés
conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article L. 854-1 du code de la
sécurité intérieure :
76. Considérant que le paragraphe I de l'article L.
854-1 du code de la sécurité intérieure autorise, aux
seules fins de protection des intérêts fondamentaux de
la Nation mentionnés à l'article L. 811-3 du même
code, la surveillance des communications émises ou
reçues à l'étranger ; que le deuxième alinéa de ce
paragraphe prévoit les mentions que les autorisations de
surveillance délivrées en application de cet article
devront comporter ; que le troisième alinéa de ce
paragraphe indique que ces autorisations seront
délivrées sur demande motivée des ministres
mentionnés au premier alinéa de l'article L. 821-2 du
même code pour une durée de quatre mois renouvelable ;
que le quatrième alinéa de ce paragraphe dispose qu'un
décret en Conseil d'État, pris après avis de la
commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement, définit les conditions d'exploitation, de
conservation et de destruction des renseignements
collectés, ainsi que les conditions de traçabilité et
de contrôle par la commission de la mise en uvre
des mesures de surveillance ; que le cinquième alinéa
prévoit qu'un décret en Conseil d'État non publié
pris après avis de ladite commission et porté à la
connaissance de la délégation parlementaire au
renseignement précise, en tant que de besoin, les
modalités de mise en uvre de ces mesures de
surveillance ;
77. Considérant que les députés requérants
soutiennent que ces dispositions méconnaissent le droit
au respect de la vie privée ;
78. Considérant qu'en ne définissant dans la loi ni les
conditions d'exploitation, de conservation et de
destruction des renseignements collectés en application
de l'article L. 854-1, ni celles du contrôle par la
commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement de la légalité des autorisations
délivrées en application de ce même article et de
leurs conditions de mise en uvre, le législateur
n'a pas déterminé les règles concernant les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des
libertés publiques ; que, par suite, les dispositions du
paragraphe I de l'article L. 854-1, qui méconnaissent
l'article 34 de la Constitution, doivent être déclarés
contraires à la Constitution ;
79. Considérant qu'il en va de même, par voie de
conséquence, des paragraphes II et III du même article
L. 854-1, qui en sont inséparables ; qu'il y a
également lieu, par voie de conséquence, de déclarer
contraires à la Constitution les mots : « , à
l'exception de ceux mentionnés à l'article L. 854-1 »
figurant au troisième alinéa de l'article L. 833-2 du
code de la sécurité intérieure dans sa rédaction
résultant de l'article 2 de la loi, les mots : « Sous
réserve des dispositions particulières prévues à
l'article L. 854-1 du présent code, » figurant au
premier alinéa de l'article L. 841-1 du code de la
sécurité intérieure dans sa rédaction résultant de
l'article 2 de la loi, les mots : « et de l'article L.
854-1 du code de la sécurité intérieure » figurant à
l'article L. 773-1 du code de justice administrative dans
sa rédaction résultant de l'article 10 de la loi ainsi
que le paragraphe IV de l'article 26 de la loi ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 10 :
80. Considérant que l'article 10 de la loi déférée
modifie le code de justice administrative ; que le 1° de
cet article 10 insère dans ce code un nouvel article L.
311-4-1 qui attribue au Conseil d'État la compétence
pour connaître, en premier et dernier ressort, des
requêtes concernant la mise en uvre des techniques
de recueil de renseignement soumises à autorisation et
des fichiers intéressant la sûreté de l'État ; que le
2° de cet article 10 insère dans le titre VII du livre
VII un nouveau chapitre III bis intitulé « Le
contentieux de la mise en uvre des techniques de
renseignement soumises à autorisation et des fichiers
intéressant la sûreté de l'État » comprenant les
articles L. 773-1 à L. 773-8 ;
. En ce qui concerne l'article L. 773-2 du code de
justice administrative :
81. Considérant que l'article L. 773-2 du code de
justice administrative est relatif à l'organisation
retenue au sein du Conseil d'État pour statuer sur ces
requêtes dans le respect du secret de la défense
nationale, dont la méconnaissance est sanctionnée par
l'article 226-13 413-10 du code pénal ; que les premier
et deuxième alinéas de l'article L. 773-2 déterminent
les formations de jugement appelées à statuer sur ces
requêtes au fond ou sur les questions de droit qu'elles
sont susceptibles de soulever ; que le troisième alinéa
de cet article L. 773-2, d'une part, fixe les modalités
d'habilitation au secret de la défense nationale des
membres des formations de jugement mentionnées au
premier alinéa de l'article, de leur rapporteur public
et des agents qui les assistent et, d'autre part,
prévoit que les mêmes personnes sont astreintes au
respect du secret professionnel et du secret de la
défense nationale ; que le quatrième alinéa de
l'article L. 773-2 prévoit que les membres de la
formation de jugement et le rapporteur public sont
autorisés à connaître de l'ensemble des pièces, y
compris celles relevant du secret de la défense
nationale, en possession soit de la commission nationale
de contrôle des techniques de renseignement soit des
services spécialisés de renseignement ou des autres
services administratifs, mentionnés respectivement aux
articles L. 811-2 et L. 811-4 du code de la sécurité
intérieure ;
82. Considérant que les dispositions de l'article L.
773-2 du code de justice administrative ne portent pas
atteinte au secret de la défense nationale, qui
participe des exigences constitutionnelles inhérentes à
la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ;
qu'elles doivent être déclarées conformes à la
Constitution ;
. En ce qui concerne les articles L. 773-3, L. 773-4 et
L. 773-5 du code de justice administrative :
83. Considérant que les articles L. 773-3, L. 773-4 et
L. 773-5 sont relatifs à la prise en compte du secret de
la défense nationale pour l'organisation de la
procédure contradictoire ;
84. Considérant que l'article L. 773-3 dispose, en son
premier alinéa, que les exigences de la contradiction «
sont adaptées à celles du secret de la défense
nationale » ; qu'à cette fin, le deuxième alinéa de
cet article prévoit que la commission nationale de
contrôle des techniques de renseignement est informée
de toute requête présentée sur le fondement de
l'article L. 841-1 du code de la sécurité intérieure ;
qu'elle reçoit communication de l'ensemble des pièces
produites par les parties et est invitée à présenter
des observations écrites ou orales ; que le troisième
alinéa du même article prévoit que la formation
chargée de l'instruction entend les parties séparément
lorsqu'est en cause le secret de la défense nationale ;
que l'article L. 773-4 prévoit que le président de la
formation de jugement ordonne le huis-clos lorsqu'est en
cause ce secret ; que l'article L. 773-5 prévoit que la
formation de jugement peut relever d'office tout moyen ;
85. Considérant que les députés requérants reprochent
à l'article L. 773-3 de porter atteinte au droit à un
procès équitable dès lors qu'il n'opère pas une juste
conciliation entre le respect de la procédure
contradictoire et celui du secret de la défense
nationale ; que, selon eux, la possibilité accordée au
juge de relever d'office tout moyen serait insuffisante
pour pallier l'absence de respect de la procédure
contradictoire ;
86. Considérant que les dispositions des articles L.
773-3 et L. 773-4 ne trouvent à s'appliquer que
lorsqu'est en cause le secret de la défense nationale ;
qu'eu égard aux possibilités de saisine du Conseil
d'État, à l'information donnée à la commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement
lorsqu'une requête est présentée par une personne, à
la possibilité, le cas échéant, donnée à ladite
commission de présenter des observations et, enfin, à
la possibilité donnée à la formation de jugement de
relever d'office tout moyen, le législateur a opéré
une conciliation qui n'est pas manifestement
déséquilibrée entre, d'une part, le droit des
personnes intéressées à exercer un recours
juridictionnel effectif, le droit à un procès
équitable et le principe du contradictoire et, d'autre
part, les exigences constitutionnelles inhérentes à la
sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, dont
participe le secret de la défense nationale ;
87. Considérant que les dispositions des articles L.
773-3, L. 773-4 et L. 773-5 du code de justice
administrative doivent être déclarées conformes à la
Constitution ;
. En ce qui concerne les articles L. 773-6 et L. 773-7 du
code de justice administrative :
88. Considérant que l'article L. 773-6 est relatif à la
motivation des décisions du Conseil d'État lorsqu'il
considère qu'aucune illégalité n'entache la mise en
uvre d'une technique de recueil de renseignement ;
que, dans cette hypothèse, la décision se borne à
indiquer au requérant ou à la juridiction de renvoi
qu'aucune illégalité n'a été commise, sans confirmer
ni infirmer la mise en uvre d'une technique de
recueil de renseignement ; qu'il en va de même en
l'absence d'illégalité relative à la conservation de
renseignements ;
89. Considérant que l'article L. 773-7 est relatif à la
motivation des décisions du Conseil d'État et aux
prérogatives de ce dernier lorsqu'il constate qu'une
technique de recueil de renseignement est ou a été mise
en uvre irrégulièrement ou qu'un renseignement a
été conservé illégalement ; que le premier alinéa de
cet article prévoit que le Conseil d'État est
compétent pour annuler l'autorisation et ordonner la
destruction des renseignements irrégulièrement
collectés ; que le deuxième alinéa prévoit que le
Conseil d'État, lorsqu'il est saisi par une juridiction
sur renvoi préjudiciel ou par la personne intéressée,
informe cette dernière ou la juridiction qu'une
illégalité a été commise, sans révéler aucun
élément couvert par le secret de la défense nationale
; que cet alinéa prévoit également que la formation de
jugement, saisie de conclusions indemnitaires, peut
condamner l'État à réparer le préjudice subi ; que le
troisième alinéa de cet article prévoit que, lorsque
la formation de jugement estime que l'illégalité
constatée est susceptible de constituer une infraction,
elle en avise le procureur de la République ;
90. Considérant que les députés requérants reprochent
à l'article L. 773-6 de porter atteinte au droit à un
procès équitable dès lors que la motivation des
décisions du Conseil d'État rendues lorsqu'aucune
illégalité n'a été commise dans la mise en uvre
de techniques de recueil de renseignement ne permet pas
à la personne intéressée de savoir si elle a fait ou
non l'objet d'une mesure de surveillance ;
91. Considérant que les dispositions de l'article L.
773-6 ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte au
droit au procès équitable ; que le Conseil d'État
statue en toute connaissance de cause sur les requêtes
concernant la mise en uvre des techniques de
recueil de renseignement dont il est saisi sur le
fondement de l'article L. 841-1 du code de la sécurité
intérieure, dès lors qu'en vertu de l'article L. 773-2
du code de justice administrative, les membres de la
formation de jugement et le rapporteur public sont
autorisés à connaître de l'ensemble des pièces, y
compris celles relevant du secret de la défense
nationale, en possession soit de la commission nationale
de contrôle des techniques de renseignement soit des
services spécialisés de renseignement ou des autres
services administratifs, mentionnés respectivement aux
articles L. 811-2 et L. 811-4 du code de la sécurité
intérieure ; qu'en vertu de l'article L. 773-3, la
commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement est informée de toute requête présentée
sur le fondement de l'article L. 841-1, reçoit
communication de l'ensemble des pièces produites par les
parties et est invitée à présenter des observations
écrites ou orales ; qu'en vertu de l'article L. 773-5,
la formation de jugement peut relever d'office tout moyen
; qu'ainsi, en adoptant les article L. 773-6 et L. 773-7,
le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas
manifestement déséquilibrée entre, d'une part, le
droit des personnes intéressées à exercer un recours
juridictionnel effectif et le droit à un procès
équitable et, d'autre part, le secret de la défense
nationale ;
92. Considérant que les dispositions des articles L.
773-6 et L. 773-7 du code de justice administrative
doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
93. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil
constitutionnel, de soulever d'office aucune autre
question de conformité à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les
dispositions suivantes de la loi relative au
renseignement :
- à l'article 2, l'article L. 821-6, la dernière phrase
du premier alinéa de l'article L. 821-7, la deuxième
phrase du premier alinéa de l'article L. 832-4, les mots
: « , à l'exception de ceux mentionnés à l'article L.
854-1 » figurant au troisième alinéa de l'article L.
833-2, les mots : « et L. 821-6 » figurant au septième
alinéa de l'article L. 833-9 et les mots : « Sous
réserve des dispositions particulières prévues à
l'article L. 854-1 du présent code, » figurant au
premier alinéa de l'article L. 841-1 du code de la
sécurité intérieure ;
- à l'article 6, l'article L. 854-1 du code de la
sécurité intérieure ;
- à l'article 10, les mots : « et de l'article L. 854-1
du code de la sécurité intérieure » figurant à
l'article L. 773-1 du code de justice administrative ;
- le paragraphe IV de l'article 26.
Article 2.- Sont conformes à la Constitution les
dispositions suivantes de la même loi :
- à l'article 2, les articles L. 811-3, L. 811-4, L.
821-1 et L. 821-5, le surplus de l'article L. 821-7, les
articles L. 822-2 et L. 831-1 et le surplus de l'article
L. 841-1 du code de la sécurité intérieure ;
- à l'article 5, les articles L. 851-1, L. 851-2, L.
851-3, L. 851-4, L. 851-5, L. 851-6 et L. 852-1 du code
de la sécurité intérieure ;
- à l'article 6, les articles L. 853-1, L. 853-2, L.
853-3 du code de la sécurité intérieure ;
- à l'article 10, les articles L. 773-2, L. 773-3, L.
773-4, L. 773-5, L. 773-6 et L. 773-7 du code de justice
administrative.
Article 3.- La présente décision sera publiée au
Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa
séance du 23 juillet 2015, où siégeaient : M.
Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE,
Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE,
Renaud DENOIX de SAINT MARC, Lionel JOSPIN et Mme Nicole
MAESTRACCI.
ECLI:FR:CC:2015:2015.713.DC