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Discours de François Hollande, président de la République
Cérémonie d'hommage à Jessica Schneider et Jean-Baptiste
Salvaing
Cour de la Préfecture de Yvelines à Versailles..
Vendredi 17 juin 2016
Source : Présidence de la République
Discours lors de la cérémonie d'hommage à Jessica
Schneider et Jean-Baptiste Salvaing.
Versailles Vendredi 17 juin 2016
Nous sommes réunis ce matin, la nation toute entière,
à travers ses représentants pour rendre hommage à
Jessica SCHNEIDER et Jean-Baptiste SALVAING, devant leurs
familles, leurs collègues de travail, et le pays qui
nous regarde.
Deux fonctionnaires du ministère de l'Intérieur qui ont
succombé parce qu'ils avaient fait le choix périlleux
de nous défendre et de servir la loi. Deux
fonctionnaires qui exerçaient leur mission non loin
d'ici, l'un au commissariat des Mureaux comme commandant
de police ; l'autre au commissariat de Mantes La Jolie
comme agent administratif.
Deux fonctionnaires qui étaient l'un et l'autre
pleinement engagés au service des Français, entourés
de l'estime de leur chef et de l'affection de leurs
collègues. Deux fonctionnaires qui ne cherchaient ni
gloire, ni honneur, mais qui faisaient leur devoir avec
discrétion et rigueur. Deux héros du quotidien. Un
homme et une femme qui partageaient la même vie, qui
avaient fondé un foyer et élevaient avec amour leur
jeune fils Mathieu, âgé de trois ans.
Il nous est insupportable de penser que ces existences,
si prometteuses, ont été brutalement anéanties,
victimes d'un terroriste habité par la haine.
Le pays tout entier, au nom duquel je m'exprime en ce
jour, s'en est trouvé saisi d'indignation et d'horreur,
surtout quand il a appris que le fanatique avait commis
son ignoble forfait devant le petit garçon, et qu'il
avait fallu l'intervention courageuse du RAID pour mettre
un terme à cette abomination.
A Mathieu, à Hugo, à leurs familles, à leurs proches,
je veux dire que nous serons toujours à leurs côtés. A
leurs collègues des commissariats des Mureaux et de
Mantes-la-Jolie, à tous les policiers, rassemblés dans
cette cour, et plus largement à toutes les forces de
sécurité qui nous protègent, je vous exprime notre
soutien, notre confiance et notre reconnaissance, pour la
mission exigeante, difficile, que vous remplissez avec
dévouement et professionnalisme.
Mais si nous sommes rassemblés ce matin, ce n'est pas
pour rechercher une impossible consolation, mais pour
rappeler ce qu'a été le sens même de la vie de Jessica
et de Jean-Baptiste, la signification de leur mort, et
pour affirmer solennellement que la Nation, la France,
poursuivra son implacable lutte contre le terrorisme avec
plus de détermination encore, en souvenir de leur
sacrifice.
Jean-Baptiste SALVAING était un policier, il avait
grandi à Pézenas, là où il était né, une ville où
il conservait de tendres attaches, où demeuraient ses
parents, sa sur cadette et nombre de ses amis, où
il aimait revenir en vacances, parler rugby, avec Jessica
et ses enfants.
Jean-Baptiste SALVAING avait la vocation d'être
policier, il voulait être utile à la Nation. Il avait
fait de longues et de bonnes études à l'université de
Montpellier, couronnées par une maîtrise de droit
privé, et il était entré à l'Ecole nationale
supérieure des officiers de police de Cannes-Ecluse, il
en était sorti parmi les meilleurs, il avait voulu
rejoindre son premier poste au commissariat de
Mantes-la-Jolie, dans ce département des Yvelines où il
allait accomplir la totalité de sa trop courte
carrière.
Il y a exercé les opérations les plus exigeantes, dans
les environnements les plus difficiles, avec de
nombreuses interpellations de malfaiteurs, avec des
interventions particulièrement dangereuses, de nuit
comme de jour, avec des enquêtes bien menées, dans les
domaines des stupéfiants, du proxénétisme et des
trafics de toutes sortes.
Commandant de police, il avait pris la direction d'une
brigade de sûreté urbaine au commissariat des Mureaux.
Il était fier, légitimement fier, de ce service situé
en plein cur d'un quartier sensible, là où la
police représente l'institution vers laquelle les plus
fragiles, les plus démunis, se tournent en dernier
ressort. Et comme des milliers de policiers et de
gendarmes, Jean-Baptiste SALVAING faisait ce qu'il devait
faire dans cette partie de la France qui ne doit jamais
être une zone de non-droit.
Jean-Baptiste SALVAING était un officier de police
efficace, qui savait rester profondément humain, il
était convaincu du rôle majeur que tient la police à
l'égard des populations les plus exposées aux
violences. Il avait décidé de travailler là où les
menaces étaient les plus grandes, il le savait, c'était
son sens du devoir. Il était respectueux de la
procédure, parce qu'il savait que cette rigueur lui
permettait de faire en sorte que ses investigations
aillent jusqu'à leur terme, parce qu'il voulait
par-dessus tout que la justice passe et condamne
fermement ceux que la police avait confondus. Aussi
avait-il reçu pas moins de 12 lettres de félicitations
pour les résultats qu'il avait obtenus.
Il était aussi un policier particulièrement brave,
comme en témoignent les deux médailles pour acte de
courage et de dévouement qui lui ont été décernées.
La première pour son comportement lors des violences
urbaines de 2005 qui ont fortement marqué le
département des Yvelines. Il y dirigeait la BAC de nuit
et il fît preuve d'une détermination et d'un courage
exemplaire.
La deuxième pour s'être porté au secours d'une jeune
femme agressée par un malfaiteur qui voulait la faire
entrer de force dans le coffre d'une voiture. Il n'était
pas en service ce jour-là, mais il avait fait plus que
son devoir.
Et le soir même du crime terroriste, qui lui a coûté
la vie, grièvement blessé, il a mobilisé ses
dernières forces, dispensé son dernier souffle, pour
avertir ses voisins et les exhorter pour qu'ils se
mettent à l'abri du tueur.
Enfin, Jean-Baptiste SALVAING était un officier de
police qui avait une haute conscience de ses
responsabilités à l'égard des fonctionnaires qu'il
commandait, il s'attirait leur respect par son exemple,
il était également apprécié par ses collègues,
exerçait depuis 1 an des responsabilités syndicales. Il
était très actif au sein de l'Amicale du commissariat
des Mureaux.
C'est là, du reste, au sein de cette Amicale, qu'il
avait aussi rencontré sa compagne. Jessica SCHNEIDER,
appartenait à la grande famille de la Police nationale.
Elle avait grandi en région parisienne et avait passé,
avec succès, le concours pour devenir adjoint
administratif du ministère de l'Intérieur. Elle resta 4
ans à la Direction centrale de la sécurité publique,
où elle avait été affectée, mais elle demanda à
servir au commissariat de Mantes-la-Jolie. Elle y
accomplissait un travail essentiel, car elle assurait la
gestion des personnels, les questions d'intendance, le
suivi des activités du commissariat.
Elle voulait aussi être pleinement utile, parce que
Jessica SCHNEIDER et Jean-Baptiste SALVAING partageaient
les mêmes passions, le même attachement à leur
métier. Ils avaient emménagé ensemble dans une maison
à Magnanville, non loin de leurs lieux de travail
respectifs. C'est là que le fanatique avait décidé de
les attendre pour les frapper, pas au hasard, mais pour
l'ignoble dessein de tuer des policiers parce qu'ils
étaient policiers, parce qu'ils incarnaient la
République, parce qu'ils étaient la France.
Jean-Baptiste SALVAING rentrait chez lui, après son
travail, il ne portait pas d'uniforme, il n'était pas
armé. Il s'est défendu avec ses mains, c'était celles
de l'humanité face à la barbarie. Jessica SCHNEIDER,
femme sans défense, qui ne pensait qu'à sauver Mathieu,
après avoir été prise en otage, a été assassinée à
son tour, parce qu'elle partageait la vie de
Jean-Baptiste, parce qu'elle était au service de la
police, parce qu'elle était le courage.
C'est pourquoi le double crime de Magnanville est une
agression contre la République et contre celles et ceux
qui ont pour mission de la défendre, c'est donc une
nouvelle attaque contre la France.
Jean-Baptiste SALVAING, Jessica SCHNEIDER, sont morts
pour la France.
Depuis janvier 2015, les forces de sécurité ont payé
un lourd tribut pour protéger nos concitoyens contre le
terrorisme, aux côtés de Jessica et de Jean-Baptiste
les noms de Franck BRINSOLARO, d'Ahmed MERABET, de
Clarissa JEAN-PHILIPPE, sont inscrits pour toujours dans
notre mémoire.
Victor HUGO disait que les habits du deuil ont beau
s'user et blanchir, le cur reste noir, notre
cur reste noir encore et plus encore aujourd'hui.
Depuis des mois, les policiers, les gendarmes, les
militaires montent la garde devant des sites sensibles,
patrouillent dans nos rues, se déploient partout pour
prévenir les risques d'attaques terroristes. Avec nos
services de renseignement, ils diligentent des enquêtes,
empêchent des départs vers la Syrie, l'Irak, arrêtent
ceux qui en reviennent, démantèlent les filières
criminelles et terroristes.
Plus de 15 tentatives d'attentats ont ainsi été
déjouées sur notre sol ces derniers mois et nous sommes
au niveau le plus élevé de vigilance. Mais dans le
même temps, les forces de sécurité sont sans cesse
plus sollicitées pour lutter contre la délinquance,
pour démanteler des trafics, pour surveiller nos
frontières, pour accueillir de grands évènements
internationaux - ce fut le cas au mois de décembre pour
la COP21 -, ou sportifs comme en ce moment pour l'Euro.
Oui, sollicités pour assurer l'ordre public partout,
pour veiller aussi au risque de leur propre intégrité
physique, à l'exercice des libertés publiques et
notamment celles de manifester.
Je n'accepterai donc jamais qu'un policier ou qu'un
gendarme soit pris à partie dans le cadre de la mission
qu'il exerce. Je n'accepterai pas davantage et le
gouvernement non plus, qu'ils soient l'objet de
diffamations ou d'insultes. La République se doit de
défendre l'honneur, la réputation, le travail des
agents qui se dévouent pour elle.
Les policiers, les gendarmes risquent leur vie, nous leur
devons respect, reconnaissance et protection.
Les violences qui sont commises contre les représentants
de l'ordre public ne seront jamais impunies. La justice
passera avec la plus grande sévérité et tous ceux qui
défient l'autorité légitime de l'Etat doivent savoir
qu'ils répondront de leurs actes.
Je veillerai également à ce que les forces de
sécurité disposent de tous les moyens nécessaires pour
agir face aux menaces toujours plus redoutables
auxquelles nous faisons face. Des mesures exceptionnelles
ont déjà été prises l'année dernière, cette année
encore, - à ma demande, - par le Premier ministre, le
ministre de l'Intérieur afin de doter les unités de
police et de gendarmerie non seulement d'effectifs
supplémentaires mais de matériel de protection, de
véhicules, d'armes modernes, leur permettant d'accomplir
leur devoir dans les meilleures conditions.
A titre individuel, le crime dont ont été victimes à
leur domicile Jean-Baptiste SALVAING et Jessica SCHNEIDER
doit nous amener à donner aux policiers et aux gendarmes
les moyens de se défendre lorsqu'ils ne sont pas en
service - c'est le cas en ce moment sous l'état
d'urgence en conservant leurs armes à tout
moment, comme cela a été admis justement dans cette
période de l'état d'urgence, nous devrons la prolonger
pour que tous les policiers puissent disposer comme les
gendarmes des moyens d'agir même lorsqu'ils ne sont pas
en service avec leur arme.
De la même manière, nous devons éviter que des
policiers et des gendarmes soient identifiés et pris
pour cible par les malfaiteurs qu'ils ont mis hors
d'état de nuire ou par leurs complices. Des mesures
seront donc prises pour garantir leur anonymat et donc
leur protection.
A l'image de Jessica SCHNEIDER et Jean-Baptiste SALVAING,
les policiers et les gendarmes sont les sentinelles de la
République. Ils garantissent la sécurité à tous les
citoyens, quelle que soit leur origine, leur religion,
leur conviction, leur position sociale, c'est ainsi
qu'ils servent la République.
Ils défendent jour après jour les Françaises et les
Français contre les violences. Ils exposent leur vie
pour nous défendre. Ils poursuivent le crime, traquent
les délinquants, mais et c'est aussi leur honneur
- respectent de façon scrupuleuse les lois parce que la
France est un Etat de droit et que nos concitoyens savent
qu'ils peuvent compter sur la protection des policiers et
des gendarmes dans toutes les circonstances et où qu'ils
se trouvent sur notre territoire.
Tel était le sens de la vie qu'ont menée côte à côte
jusqu'à son terme Jessica SCHNEIDER et Jean-Baptiste
SALVAING. Ils sont morts pour l'idée qu'ils se faisaient
de la France, une République où chacun doit pouvoir
vivre libre et en sécurité. Un pays où le fanatisme et
la haine n'ont pas leur place, une Nation où chacun sait
que l'unité est essentielle pour affronter la menace
terroriste car cette menace est là, toujours là, encore
là, à l'extérieur avec Daesh, l'Etat islamique, en
Irak et en Syrie.
A l'intérieur où il se trouve qu'il y a aussi des
barbares qui commettent des horreurs au nom d'une
religion qu'ils défigurent et qu'ils dévoient. Cette
guerre sera longue ; elle nous met à l'épreuve. Nous
avons fait voter des lois qui renforcent les moyens
d'intervention de la police et de la justice. Nous devons
les appliquer, nous devons être forts, rester
nous-mêmes, ne rien céder, tenir bon et nous défendre.
La République sait pouvoir compter sur les forces de
sécurité face à toutes les violences dont hélas nos
sociétés et il y a tant d'exemples encore autour
de nous sont capables de charrier. C'est ce
dévouement, ce dévouement jusqu'au sacrifie qu'ont
incarné Jessica SCHNEIDER et Jean-Baptiste SALVAING.
Je dis à leurs familles qu'elles peuvent être fières,
aux enfants, Hugo, Mathieu, que leur père était un
héros du quotidien. Je dis à leurs collègues qu'ils
doivent aussi être conscients que la nation reconnait la
qualité exceptionnelle de leur intervention. Le souvenir
de Jessica SCHNEIDER et de Jean-Baptiste SALVAING dicte
notre devoir. Leur exemple éclaire notre chemin. La
France sait ce qu'elle leur doit, elle ne les oubliera
jamais.
Vive la République et vive la France !