|
Discours du Pape François devant le
Parlement européen de Strasbourg, le mardi 25
novembre 2014
Lundi 24 novembre 2014 N°
4017/25413
- FRANCE -
FIL INFO RELIGION - Le Pape François en visite
officielle au Parlement européen : Le
Pape François effectue mardi 25 novembre 2014
une visite officielle au Parlement européen de
Strasbourg où il y prononcera un discours. La
dernière visite d'un Pape au Parlement européen
remonte à Jean-Paul II, le 11 octobre 1988.
Blogger, webmaster : Copyright et conditions
d'utilisation du fil info ; Fil-info-France, quotidien
international pourquoi ?
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les
Vice-présidents,
Honorables Députés Européens,
Personnes qui travaillent à des titres divers
dans cet hémicycle,
Chers amis,
Je vous remercie pour l'invitation à prendre la
parole devant cette institution fondamentale de
la vie de l'Union Européenne, et pour
l'opportunité qui m'est offerte de m'adresser,
à travers vous, à plus de cinq cents millions
de citoyens des 28 pays membres que vous
représentez. Je désire exprimer une gratitude
particulière à vous, Monsieur le Président du
Parlement, pour les paroles cordiales de
bienvenue que vous m'avez adressées, au nom de
tous les membres de l'Assemblée.
Ma visite a lieu plus d'un quart de siècle
après celle accomplie par le Pape Jean-Paul II.
Beaucoup de choses ont changé depuis lors, en
Europe et dans le monde entier. Les blocs
opposés qui divisaient alors le continent en
deux n'existent plus, et le désir que
"l'Europe, se donnant souverainement des
institutions libres, puisse un jour se déployer
aux dimensions que lui ont données la
géographie et plus encore l'histoire", se
réalise lentement.
A côté d'une Union Européenne plus grande, il
y a aussi un monde plus complexe, et en fort
mouvement. Un monde toujours plus interconnecté
et globalisé, et donc de moins en moins
"eurocentrique". A une Union plus
étendue, plus influente, semble cependant
s'adjoindre l'image d'une Europe un peu vieillie
et comprimée, qui tend à se sentir moins
protagoniste dans un contexte qui la regarde
souvent avec distance, méfiance, et parfois avec
suspicion.
En m'adressant à vous aujourd'hui, à partir de
ma vocation de pasteur, je désire adresser à
tous les citoyens européens un message
d'espérance et d'encouragement.
Un message d'espérance fondé sur la confiance
que les difficultés peuvent devenir des
promotrices puissantes d'unité, pour vaincre
toutes les peurs que l'Europe avec le
monde entier est en train de traverser.
L'espérance dans le Seigneur qui transforme le
mal en bien, et la mort en vie.
Encouragement pour revenir à la ferme conviction
des Pères fondateurs de l'Union Européenne, qui
ont souhaité un avenir fondé sur la capacité
de travailler ensemble afin de dépasser les
divisions, et favoriser la paix et la communion
entre tous les peuples du continent. Au centre de
cet ambitieux projet politique il y avait la
confiance en l'homme, non pas tant comme citoyen,
ni comme sujet économique, mais en l'homme comme
personne dotée d'une dignité transcendante.
Je tiens avant tout à souligner le lien étroit
qui existe entre ces deux paroles :
"dignité" et
"transcendante".
La "dignité" est le mot-clé qui a
caractérisé la reprise du second après-guerre.
Notre histoire récente se caractérise par
l'indubitable centralité de la promotion de la
dignité humaine contre les violences multiples
et les discriminations qui, même en Europe,
n'ont pas manqué dans le cours des siècles. La
perception de l'importance des droits humains
naît justement comme aboutissement d'un long
chemin, fait de multiples souffrances et
sacrifices, qui a contribué à former la
conscience du caractère précieux, de l'unicité
qu'on ne peut répéter de toute personne humaine
individuelle. Cette conscience culturelle trouve
son fondement, non seulement dans les
événements de l'histoire, mais surtout dans la
pensée européenne, caractérisée par une riche
rencontre, dont les nombreuses sources lointaines
proviennent "de la Grèce et de Rome, de
fonds celtes, germaniques et slaves, et du
christianisme qui l'a profondément pétrie»,
donnant lieu justement au concept de
"personne".
Aujourd'hui, la promotion des droits humains joue
un rôle central dans l'engagement de l'Union
Européenne, en vue de favoriser la dignité de
la personne, en son sein comme dans ses rapports
avec les autres pays. Il s'agit d'un engagement
important et admirable, puisque trop de
situations subsistent encore dans lesquelles les
êtres humains sont traités comme des objets
dont on peut programmer la conception, la
configuration et l'utilité, et qui ensuite
peuvent être jetés quand ils ne servent plus,
parce qu'ils deviennent faibles, malades ou
vieux.
Quelle dignité existe vraiment, quand manque la
possibilité d'exprimer librement sa pensée ou
de professer sans contrainte sa foi religieuse ?
Quelle dignité est possible, sans un cadre
juridique clair, qui limite le domaine de la
force et qui fasse prévaloir la loi sur la
tyrannie du pouvoir ? Quelle dignité peut jamais
avoir un homme ou une femme qui fait l'objet de
toute sorte de discriminations ? Quelle dignité
pourra jamais avoir une personne qui n'a pas de
nourriture ou le minimum nécessaire pour vivre
et, pire encore, de travail qui l'oint de
dignité ?
Promouvoir la dignité de la personne signifie
reconnaître qu'elle possède des droits
inaliénables dont elle ne peut être privée au
gré de certains, et encore moins au bénéfice
d'intérêts économiques.
Mais il convient de faire attention pour ne pas
tomber dans des équivoques qui peuvent naître
d'un malentendu sur le concept de droits humains
et de leur abus paradoxal. Il y a en effet
aujourd'hui la tendance à une revendication
toujours plus grande des droits individuels, qui
cache une conception de la personne humaine
détachée de tout contexte social et
anthropologique, presque comme une
"monade", toujours plus insensible aux
autres "monades" présentes autour de
soi. Au concept de droit, celui - aussi essentiel
et complémentaire - de devoir, ne semble plus
associé, de sorte qu'on finit par affirmer les
droits individuels sans tenir compte que tout
être humain est lié à un contexte social dans
lequel ses droits et devoirs sont connexes à
ceux des autres et au bien commun de la société
elle-même.
Par conséquent je considère qu'il est plus que
jamais vital d'approfondir aujourd'hui une
culture des droits humains qui puisse sagement
relier la dimension individuelle, ou mieux,
personnelle, à celle de bien commun, de ce
"nous tous" formé d'individus, de
familles et de groupes intermédiaires qui
s'unissent en communauté sociale. En effet, si
le droit de chacun n'est pas harmonieusement
ordonné au bien plus grand, il finit par se
concevoir comme sans limites et, par conséquent,
devenir source de conflits et de violences.
Parler de la dignité transcendante de l'homme
signifie donc faire appel à sa nature, à sa
capacité innée de distinguer le bien du mal, à
cette "boussole" inscrite dans nos
curs et que Dieu a imprimée dans l'univers
créé ; cela signifie surtout de regarder
l'homme non pas comme un absolu, mais comme un
être relationnel. Une des maladies que je vois
la plus répandue aujourd'hui en Europe est la
solitude, précisément de celui qui est privé
de liens. On la voit particulièrement chez les
personnes âgées, souvent abandonnées à leur
destin, comme aussi chez les jeunes privés de
points de référence et d'opportunités pour
l'avenir ; on la voit chez les nombreux pauvres
qui peuplent nos villes ; on la voit dans le
regard perdu des migrants qui sont venus ici en
recherche d'un avenir meilleur.
Cette solitude a été ensuite accentuée par la
crise économique, dont les effets perdurent
encore, avec des conséquences dramatiques du
point de vue social. On peut constater qu'au
cours des dernières années, à côté du
processus d'élargissement de l'Union
Européenne, s'est accrue la méfiance des
citoyens vis-à-vis des institutions
considérées comme distantes, occupées à
établir des règles perçues comme éloignées
de la sensibilité des peuples particuliers,
sinon complètement nuisibles. D'un peu partout
on a une impression générale de fatigue et de
vieillissement, d'une Europe grand-mère et non
plus féconde et vivante. Par conséquent, les
grands idéaux qui ont inspiré l'Europe semblent
avoir perdu leur force attractive, en faveur de
la technique bureaucratique de ses institutions.
A cela s'ajoutent des styles de vie un peu
égoïstes, caractérisés par une opulence
désormais insoutenable et souvent indifférente
au monde environnant, surtout aux plus pauvres.
On constate avec regret une prévalence des
questions techniques et économiques au centre du
débat politique, au détriment d'une authentique
orientation anthropologique. L'être humain
risque d'être réduit à un simple engrenage
d'un mécanisme qui le traite à la manière d'un
bien de consommation à utiliser, de sorte que
nous le remarquons malheureusement souvent
lorsque la vie n'est pas utile au
fonctionnement de ce mécanisme elle est
éliminée sans trop de scrupule, comme dans le
cas des malades en phase terminale, des personnes
âgées abandonnées et sans soin, ou des enfants
tués avant de naître.
C'est une grande méprise qui advient "quand
l'absolutisation de la technique prévaut», ce
qui finit par produire "une confusion entre
la fin et moyens". Résultat inévitable de
la "culture du déchet" et de la
"mentalité de consommation
exagérée". Au contraire, affirmer la
dignité de la personne c'est reconnaître le
caractère précieux de la vie humaine, qui nous
est donnée gratuitement et qui ne peut, pour
cette raison, être objet d'échange ou de
commerce. Dans votre vocation de parlementaires,
vous êtes aussi appelés à une grande mission,
bien qu'elle puisse sembler inutile : prendre
soin de la fragilité des peuples et des
personnes. Prendre soin de la fragilité veut
dire force et tendresse, lutte et fécondité, au
milieu d'un modèle fonctionnaliste et privatisé
qui conduit inexorablement à la "culture du
déchet". Prendre soin de la fragilité de
la personne et des peuples signifie garder la
mémoire et l'espérance ; signifie prendre en
charge la personne présente dans sa situation la
plus marginale et angoissante et être capable de
l'oindre de dignité.
Comment donc redonner espérance en l'avenir, de
sorte que, à partir des jeunes générations, on
retrouve la confiance afin de poursuivre le grand
idéal d'une Europe unie et en paix, créative et
entreprenante, respectueuse des droits et
consciente de ses devoirs ?
Pour répondre à cette question, permettez-moi
de recourir à une image. Une des fresques les
plus célèbres de Raphaël qui se trouvent au
Vatican représente la dite Ecole d'Athènes. Au
centre se trouvent Platon et Aristote. Le premier
a le doigt qui pointe vers le haut, vers le monde
des idées, nous pourrions dire vers le ciel ; le
second tend la main en avant, vers celui qui
regarde, vers la terre, la réalité concrète.
Cela me paraît être une image qui décrit bien
l'Europe et son histoire, faite de la rencontre
continuelle entre le ciel et la terre, où le
ciel indique l'ouverture à la transcendance, à
Dieu, qui a depuis toujours caractérisé l'homme
européen, et la terre qui représente sa
capacité pratique et concrète à affronter les
situations et les problèmes.
L'avenir de l'Europe dépend de la redécouverte
du lien vital et inséparable entre ces deux
éléments. Une Europe qui n'a plus la capacité
de s'ouvrir à la dimension transcendante de la
vie est une Europe qui lentement risque de perdre
son âme, ainsi que cet "esprit
humaniste" qu'elle aime et défend
cependant.
Précisément à partir de la nécessité d'une
ouverture au transcendant, je veux affirmer la
centralité de la personne humaine, qui se trouve
autrement à la merci des modes et des pouvoirs
du moment. En ce sens j'estime fondamental, non
seulement le patrimoine que le christianisme a
laissé dans le passé pour la formation
socioculturelle du continent, mais surtout la
contribution qu'il veut donner, aujourd'hui et
dans l'avenir, à sa croissance. Cette
contribution n'est pas un danger pour la
laïcité des Etats ni pour l'indépendance des
institutions de l'Union, mais au contraire un
enrichissement. Les idéaux qui l'ont formée
dès l'origine le montrent bien : la paix, la
subsidiarité et la solidarité réciproque, un
humanisme centré sur le respect de la dignité
de la personne
Je désire donc renouveler la disponibilité du
Saint-Siège et de l'Eglise catholique à
travers la Commission des Conférences Episcopales
Européennes (COMECE) pour entretenir un
dialogue profitable, ouvert et transparent avec
les institutions de l'Union Européenne. De
même, je suis convaincu qu'une Europe capable de
mettre à profit ses propres racines religieuses,
sachant en recueillir la richesse et les
potentialités, peut être plus facilement
immunisée contre les nombreux extrémismes qui
déferlent dans le monde d'aujourd'hui, et aussi
contre le grand vide d'idées auquel nous
assistons en Occident, parce que "c'est
l'oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui
engendre la violence".
Nous ne pouvons pas ici ne pas rappeler les
nombreuses injustices et persécutions qui
frappent quotidiennement les minorités
religieuses, en particulier chrétiennes, en
divers endroits du monde. Des communautés et des
personnes sont l'objet de violences barbares :
chassées de leurs maisons et de leurs patries ;
vendues comme esclaves ; tuées, décapitées,
crucifiées et brûlées vives, sous le silence
honteux et complice de beaucoup.
La devise de l'Union Européenne est Unité dans
la diversité, mais l'unité ne signifie pas
uniformité politique, économique, culturelle ou
de pensée. En réalité, toute unité
authentique vit de la richesse des diversités
qui la composent : comme une famille qui est
d'autant plus unie que chacun des siens peut
être, sans crainte, davantage soi-même. Dans ce
sens, j'estime que l'Europe est une famille des
peuples, lesquels pourront sentir les
institutions de l'Union proches dans la mesure
où elles sauront sagement conjuguer l'idéal de
l'unité à laquelle on aspire, à la diversité
propre de chacun, valorisant les traditions
particulières, prenant conscience de son
histoire et de ses racines, se libérant de
nombreuses manipulations et phobies. Mettre au
centre la personne humaine signifie avant tout
faire en sorte qu'elle exprime librement son
visage et sa créativité, au niveau des
individus comme au niveau des peuples.
D'autre part, les particularités de chacun
constituent une richesse authentique dans la
mesure où elles sont mises au service de tous.
Il faut toujours se souvenir de l'architecture
propre de l'Union Européenne, basée sur les
principes de solidarité et de subsidiarité, de
sorte que l'aide mutuelle prévale, et que l'on
puisse marcher dans la confiance réciproque.
Dans cette dynamique d'unité-particularité, se
pose à vous, Mesdames et Messieurs les
Eurodéputés, l'exigence de maintenir vivante la
démocratie des peuples d'Europe. Il est connu
qu'une conception uniformisante de la mondialité
touche la vitalité du système démocratique,
affaiblissant le débat riche, fécond et
constructif des organisations et des partis
politiques entre eux.
On court ainsi le risque de vivre dans le règne
de l'idée, de la seule parole, de l'image, du
sophisme
et de finir par confondre la
réalité de la démocratie avec un nouveau
nominalisme politique. Maintenir vivante la
démocratie en Europe demande d'éviter les
"manières globalisantes" de diluer la
réalité : les purismes angéliques, les
totalitarismes du relativisme, les
fondamentalismes anhistoriques, les éthiques
sans bonté, les intellectualismes sans sagesse.
Maintenir vivante la réalité des démocraties
est un défi de ce moment historique, en évitant
que leur force réelle force politique
expressive des peuples soit écartée face
à la pression d'intérêts multinationaux non
universels, qui les fragilisent et les
transforment en systèmes uniformisés de pouvoir
financier au service d'empires inconnus. C'est un
défi qu'aujourd'hui l'histoire vous lance.
Donner espérance à l'Europe ne signifie pas
seulement reconnaître la centralité de la
personne humaine, mais implique aussi d'en
favoriser les capacités. Il s'agit donc d'y
investir ainsi que dans les domaines où ses
talents se forment et portent du fruit. Le
premier domaine est sûrement celui de
l'éducation, à partir de la famille, cellule
fondamentale et élément précieux de toute
société. La famille unie, féconde et
indissoluble porte avec elle les éléments
fondamentaux pour donner espérance à l'avenir.
Sans cette solidité, on finit par construire sur
le sable, avec de graves conséquences sociales.
D'autre part, souligner l'importance de la
famille non seulement aide à donner des
perspectives et l'espérance aux nouvelles
générations, mais aussi aux nombreuses
personnes âgées, souvent contraintes à vivre
dans des conditions de solitude et d'abandon
parce qu'il n'y a plus la chaleur d'un foyer
familial en mesure de les accompagner et de les
soutenir.
A côté de la famille, il y a les institutions
éducatives : écoles et universités.
L'éducation ne peut se limiter à fournir un
ensemble de connaissances techniques, mais elle
doit favoriser le processus plus complexe de
croissance de la personne humaine dans sa
totalité. Les jeunes d'aujourd'hui demandent à
pouvoir avoir une formation adéquate et
complète pour regarder l'avenir avec espérance,
plutôt qu'avec désillusion. Ensuite, les
potentialités créatives de l'Europe dans divers
domaines de la recherche scientifique, dont
certains ne sont pas encore complètement
explorés, sont nombreuses. Il suffit de penser
par exemple aux sources alternatives d'énergie,
dont le développement servirait beaucoup à la
protection de l'environnement.
L'Europe a toujours été en première ligne dans
un louable engagement en faveur de l'écologie.
Notre terre a en effet besoin de soins continus
et d'attentions ; chacun a une responsabilité
personnelle dans la protection de la création,
don précieux que Dieu a mis entre les mains des
hommes. Cela signifie, d'une part, que la nature
est à notre disposition, que nous pouvons en
jouir et en faire un bon usage ; mais, d'autre
part, cela signifie que nous n'en sommes pas les
propriétaires. Gardiens, mais non
propriétaires. Par conséquent, nous devons
l'aimer et la respecter, tandis qu'"au
contraire, nous sommes souvent guidés par
l'orgueil de dominer, de posséder, de manipuler,
d'exploiter; nous ne la "gardons" pas,
nous ne la respectons pas, nous ne la
considérons pas comme un don gratuit dont il
faut prendre soin". Respecter
l'environnement signifie cependant non seulement
se limiter à éviter de le défigurer, mais
aussi l'utiliser pour le bien. Je pense surtout
au secteur agricole, appelé à donner soutien et
nourriture à l'homme. On ne peut tolérer que
des millions de personnes dans le monde meurent
de faim, tandis que des tonnes de denrées
alimentaires sont jetées chaque jour de nos
tables. En outre, respecter la nature, nous
rappelle que l'homme lui-même en est une partie
fondamentale. A côté d'une écologie
environnementale, il faut donc une écologie
humaine, faite du respect de la personne, que
j'ai voulu rappeler aujourd'hui en m'adressant à
vous.
Le deuxième domaine dans lequel fleurissent les
talents de la personne humaine, c'est le travail.
Il est temps de favoriser les politiques de
l'emploi, mais il est surtout nécessaire de
redonner la dignité au travail, en garantissant
aussi d'adéquates conditions pour sa
réalisation. Cela implique, d'une part, de
repérer de nouvelles manières de conjuguer la
flexibilité du marché avec les nécessités de
stabilité et de certitude des perspectives
d'emploi, indispensables pour le développement
humain des travailleurs ; d'autre part, cela
signifie favoriser un contexte social adéquat,
qui ne vise pas l'exploitation des personnes,
mais à garantir, à travers le travail, la
possibilité de construire une famille et
d'éduquer les enfants.
De même, il est nécessaire d'affronter ensemble
la question migratoire. On ne peut tolérer que
la Mer Méditerranéenne devienne un grand
cimetière !
Dans les barques qui arrivent quotidiennement sur
les côtes européennes, il y a des hommes et des
femmes qui ont besoin d'accueil et d'aide.
L'absence d'un soutien réciproque au sein de
l'Union Européenne risque d'encourager des
solutions particularistes aux problèmes, qui ne
tiennent pas compte de la dignité humaine des
immigrés, favorisant le travail d'esclave et des
tensions sociales continuelles. L'Europe sera en
mesure de faire face aux problématiques liées
à l'immigration si elle sait proposer avec
clarté sa propre identité culturelle et mettre
en acte des législations adéquates qui sachent
en même temps protéger les droits des citoyens
européens et garantir l'accueil des migrants ;
si elle sait adopter des politiques justes,
courageuses et concrètes qui aident leurs pays
d'origine dans le développement socio-politique
et dans la résolution des conflits internes
cause principale de ce phénomène
au lieu des politiques d'intérêt qui
accroissent et alimentent ces conflits. Il est
nécessaire d'agir sur les causes et non
seulement sur les effets.
Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et
Messieurs les Députés,
La conscience de sa propre identité est
nécessaire aussi pour dialoguer de manière
prospective avec les Etats qui ont demandé
d'entrer pour faire partie de l'Union Européenne
à l'avenir. Je pense surtout à ceux de l'aire
balkanique pour lesquels l'entrée dans l'Union
Européenne pourra répondre à l'idéal de paix
dans une région qui a grandement souffert des
conflits dans le passé. Enfin, la conscience de
sa propre identité est indispensable dans les
rapports avec les autres pays voisins,
particulièrement avec ceux qui bordent la
Méditerranée, dont beaucoup souffrent à cause
de conflits internes et de la pression du
fondamentalisme religieux ainsi que du terrorisme
international.
A vous législateurs, revient le devoir de
protéger et de faire grandir l'identité
européenne, afin que les citoyens retrouvent
confiance dans les institutions de l'Union et
dans le projet de paix et d'amitié qui en est le
fondement. Sachant que "plus grandit le
pouvoir de l'homme plus s'élargit le champ de
ses responsabilités, personnelles et
communautaires". Je vous exhorte donc à
travailler pour que l'Europe redécouvre son âme
bonne.
Un auteur anonyme du IIe siècle a écrit que
"les chrétiens représentent dans le monde
ce qu'est l'âme dans le corps". Le rôle de
l'âme est de soutenir le corps, d'en être la
conscience et la mémoire historique. Et une
histoire bimillénaire et aussi de péchés, lie
l'Europe et le christianisme. Une histoire non
exempte de conflits et d'erreurs, et aussi de
péchés, mais toujours animée par le désir de
construire pour le bien. Nous le voyons dans la
beauté de nos villes, et plus encore dans celle
des multiples uvres de charité et
d'édification commune qui parsèment le
continent. Cette histoire, en grande partie, est
encore à écrire. Elle est notre présent et
aussi notre avenir. Elle est notre identité. Et
l'Europe a fortement besoin de redécouvrir son
visage pour grandir, selon l'esprit de ses Pères
fondateurs, dans la paix et dans la concorde,
puisqu'elle-même n'est pas encore à l'abri de
conflits.
Chers Eurodéputés, l'heure est venue de
construire ensemble l'Europe qui tourne, non pas
autour de l'économie, mais autour de la
sacralité de la personne humaine, des valeurs
inaliénables ; l'Europe qui embrasse avec
courage son passé et regarde avec confiance son
avenir pour vivre pleinement et avec espérance
son présent. Le moment est venu d'abandonner
l'idée d'une Europe effrayée et repliée sur
elle-même, pour susciter et promouvoir l'Europe
protagoniste, porteuse de science, d'art, de
musique, de valeurs humaines et aussi de foi.
L'Europe qui contemple le ciel et poursuit des
idéaux ; l'Europe qui regarde, défend et
protège l'homme ; l'Europe qui chemine sur la
terre sûre et solide, précieux point de
référence pour toute l'humanité !
Merci.
Affichez librement ce logo sur votre site !
Le ruban bleu est le symbole sur le Web
de la défense de la Liberté d'expression !
Bon surf !
-
|
|